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mécaniques, mais selon la quantité de matière solide[1], et son action s’étend à des distances immenses, diminuant toujours exactement selon le carré des distances, etc. »

C’est dire bien nettement, bien expressément, que l’attraction est un principe qui n’est point mécanique.

Et quelques lignes après il dit :

« Je ne fais point d’hypothèses, hypothèses non fingo : car ce qui ne se déduit pas des phénomènes est une hypothèse ; et les hypothèses, soit métaphysiques, soit physiques, soit des suppositions de qualités occultes, soit des suppositions de mécanique, n’ont point lieu dans la philosophie expérimentale, »

Remarquons, en passant, ce grand mot des Hypothèses de mécanique ; elles ne valent pas mieux que les qualités occultes.

On voit évidemment, par ces paroles fidèlement traduites, le tort extrême que l’on a de reprocher aux newtoniens d’aller plus loin que Newton même. Premièrement, quand ils iraient plus loin, ce ne serait pas un reproche à leur faire : il ne s’agirait que de savoir s’ils s’égarent ou non. En second lieu, il est constant que Newton ne pensait ni ne pouvait penser que le mécanisme ordinaire que nous connaissons pût jamais rendre raison de la gravitation de la matière.

Ce qui a trompé en ce point ceux qui se disent cartésiens, c’est qu’ils n’ont pas voulu distinguer ce que Newton dit dans le cours de ses théorèmes de ses deux premiers livres comme mathématicien, et ce qu’il dit au troisième comme physicien. Le géomètre examine, indépendamment de toute matière, les forces centripètes tendant à un centre, à un point mathématique ; le physicien ensuite les considère comme une force répandue également dans chaque partie de la matière. C’est ainsi qu’on observe dans une balance le centre mathématique de gravité, et qu’on observe physiquement que les masses des deux branches de la balance sont égales.

Mais, encore une fois, après que, dans le cours de ses recherches. Newton a examiné la nature plus en physicien, il est forcé de déclarer que nul tourbillon, nulle impulsion connue, nulle loi mécanique ne peut rendre raison des forces centripètes : car, à la fin du second livre, quand il considère que la terre se meut beaucoup plus vite au commencement du signe de la Vierge que dans celui des Poissons, et que cela seul anéantit démonstrativement tout prétendu fluide qui ferait circuler la terre ; alors

  1. C’est-à-dire, en raison non des volumes, mais des masses. (D.)