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Je vous demande en grâce de me mettre au fait, car jusqu’ici cette affaire ne sert qu’à me désespérer.

Où d’Arnaud a-t-il pris le libelle ? Je vous prie de le lui demander et de ne pas oublier. Je vous le demande en grâce.

Je prie monsieur votre frère de m’envoyer une nouvelle édition de mes œuvres, qui aurait été, dit-on, imprimée à Rouen cette année, et dont M. d’Arnaud me parle.

Je le prie d’y joindre la dernière édition de Mathanasius, avec la Vie d’Aristarchus.


1053. — DE FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
À Berlin, le 3 février[1].

Mon cher ami, vous recevez mes ouvrages avec trop d’indulgence. Une prévention trop favorable à l’auteur vous fait excuser leur faiblesse et les fautes dont ils fourmillent.

Je suis comme le Prométhée de la fable ; je dérobe quelquefois de votre feu divin dont j’anime mes faibles productions. Mais la différence qu’il y a entre cette fable et la vérité, c’est que l’âme de Voltaire, beaucoup plus grande et plus magnanime que celle du roi des dieux, ne me condamne point au supplice que souffrit l’auteur du célèbre larcin. Ma santé, languissante encore, m’empêche d’exécuter les ouvrages que je roulais dans ma tête ; et le médecin, plus cruel que la maladie même, me condamne à prendre journellement de l’exercice, temps que je suis obligé de prendre sur mes heures d’étude.

Ces charlatans veulent m’interdire de m’instruire ; bientôt ils voudront que je ne pense plus. Mais, tout bien compté, j’aime mieux être malade de corps que d’esprit[2]. Malheureusement l’esprit ne semble être que l’accessoire du corps ; il est dérangé en même temps que l’organisation de notre machine, et la matière ne saurait souffrir sans que l’esprit ne s’en ressente également. Cette union si étroite, cette liaison intime, est, ce me semble, une très-forte preuve du sentiment de Locke. Ce qui pense en nous est assurément un effet ou un résultat de la mécanique de notre machine animée. Tout homme sensé, tout homme qui n’est point imbu de prévention ou d’amour-propre, doit en convenir.

Pour vous rendre compte de mes occupations, je vous dirai que j’ai fait quelque progrès en physique. J’ai vu toutes les expériences de la pompe pneumatique, et j’en ai indiqué deux nouvelles qui sont : 1° de mettre une montre ouverte dans la pompe, pour voir si son mouvement sera accéléré ou retardé ; s’il restera le même ou s’il cessera ; la seconde expérience regarde la vertu productrice de l’air. On prendra une portion de terre dans laquelle on plantera un pois, après quoi on l’enfermera dans le récipient ;

  1. Berlin, 2 février 1739. (Œuvres posthumes.) — Cette lettre, à laquelle Voltaire répondit le 28 février, est une réponse à celle du 18 janvier.
  2. Que d’être perclus d’esprit. (Œuvres posthumes.)