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Si M. de Montigny a acheté en effet, comme il est très-vrai, chez Mérigot le libraire, un de ces libelles ; si Chaubert lui en a promis un longtemps ; si le chevalier de Mouhy en a déposé un chez le commissaire Lecomte ; si le gendre de votre frère et une autre personne en ont acheté, et si votre frère connaît les vendeurs, n’en voilà-t-il pas assez pour commencer, sans perdre un moment ? Il est affreux qu’on ne veuille pas me laisser aller ; mais enfin l’amitié l’emporte. Au nom de l’amitié, mon cher abbé, secondez-moi, et réparez mon absence.

Voici ma réponse à M. Bégon.

À l’égard du chevalier de Mouhy, il a trop d’esprit pour penser que je croie aujourd’hui qu’on a travaillé quatre ou cinq jours, puisqu’il me manda lui-même qu’on n’avait travaillé qu’un soir. Si on avait travaillé cinq jours, le tout eût été fait. Qu’il vous montre l’ouvrage des cinq jours. Je suis bien aise de lui faire plaisir ; mais je suis très-aise aussi de ne faire que ce que je dois et que ce que je veux. Jamais on n’a donné douze livres à un commissaire pour une plainte, mais je passe par-dessus cette bagatelle. Vous lui avez donné cinquante livres et deux louis, cela est quelque chose : je tâcherai de lui donner encore, dès que j’aurai de l’argent ; mais à présent que vous n’en avez point, je vous prie de le lui dire tout simplement. Si M. d’Argental est d’avis qu’on imprime, vous pourrez alors donner un exemplaire bien exact au chevalier, avec les corrections que je vous ai envoyées ; mais vous le lui donnerez, non pas comme un service que je le prie de me rendre, mais comme un plaisir que je lui fais : il en fera ce qu’il voudra ; je ne le prie de rien ; je lui fournis une occasion de gagner de l’argent s’il le veut, et c’est tout.

M. Bégon est bon pour être procureur dans l’affaire ; mais il s’en faut bien que cela suffise. Il faut quelqu’un qui sollicite, qui agisse, qui fournisse des pièces, des témoins, qui se donne des peines continuelles : ce que l’on appelle un solliciteur de procès, qui, moyennant une certaine somme, conduise l’affaire. M. Bégon ne fera que ses écritures. Votre frère ne connaîtrait-il personne qui pût être mon homme ? Proposez-le à Demoulin.

Je vais lui en écrire, mais encore une fois, je vous supplie, mon cher ami, de me rendre une réponse positive sur ce que je vous demande depuis longtemps.

Votre neveu, disiez-vous, avait acheté de ces libelles ; vous en aviez six exemplaires, et vous même dites pas d’où ils sont venus. M. Bégon me mande qu’on ne peut rien faire sans témoins. Votre frère en a, et ni lui ni vous ne m’en parlez.