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terai jamais cette affaire de vue. Il y aurait trop de lâcheté à souffrir ce que l’on doit repousser.

Je me flatte que ni dans cette occasion, ni dans aucune, vous ne direz : Eh ! mordieu, qu’on me laisse souper, digérer et ne rien faire !

Soyez très-persuadé que des amis comme Mme du Châtelet et moi en valent peut-être d’autres, que tout change dans la vie, mais que vous nous retrouverez toujours.

L’affaire du palais Lambert va se consommer ; mais il faut auparavant que je sois sûr de rester en France.

Je reçois votre billet et la lettre du prince, qui m’envoie du vin de Tokay, et qui vous l’adresse.

Portez-vous mieux que vous ne faites, et mieux que moi.

Ce 29 au soir ; je vous embrasse.


1049. — À M. LÉVESQUE DE BURIGNY[1].
Janvier.

J’ai bien des grâces à vous rendre, monsieur, de tous vos bons documents ; il faudrait avoir l’honneur de vivre avec vous pour mettre fin à la grande entreprise à laquelle je travaille. Je suis malheureusement détourné de mes travaux et persécuté dans ma retraite par la haine de certains écrivains, par la calomnie, par la plus cruelle ingratitude. Je ne me plains point de l’abbé Desfontaines, il fait son métier : il est né pour le crime ; mais qu’ai-je fait à M. de Saint-Hyacinthe ? L’abbé Desfontaines cite un libelle de lui contre moi ; je ne sais ce que c’est ; j’en crois M. de Saint-Hyacinthe incapable ; il est votre ami, et un homme honoré de l’amitié d’un homme aussi estimable que vous ne peut écrire un libelle diffamatoire. Il est de l’honneur de M. de Saint-Hyacinthe de s’en disculper. J’ose espérer qu’une âme comme la vôtre l’intéressera à se laver de cet opprobre. Voudrait-il se mettre au rang de ceux qui déshonorent les belles-lettres et l’humanité ? Voudrait-il partager hautement la scélératesse de l’abbé Desfontaines, et outrager ma famille, une famille

  1. Jean-Lévesque de Burigny (dont il est déjà parlé plus haut, lettre 950), était né en 1692, et mourut en 1785. Il était membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, et auteur de plusieurs savants ouvrages. Le plus intéressant pour un éditeur de Voltaire est sa Lettre de M. de Burigny à M. l’abbé Mercier, abbé de Saint-Léger de Soissons, sur les démêlés de M. de Voltaire avec M. de Saint-Hyacinthe ; Londres (Paris), Valade, 1780, in-8o, d’où j’ai extrait cette lettre (qui y est sans date) ainsi que celles du 4 février suivant, et du 14 février 1757. (B.)