Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et à qui je ne crois pas avoir donné, en ma vie, la valeur de cent écus, m’envoya, il y a trois semaines, une réponse à l’abbé Desfontaines, et me demanda la permission de l’imprimer ; je le refusai. La réponse était trop forte ; et, d’ailleurs, comme ce jeune homme n’avait point été cité dans le libelle, je ne voulus pas qu’il se mélàt de la querelle ; mais je lui en aurai obligation toute ma vie.

Un autre jeune homme, à qui j’ai rendu encore de moindres services[1], s’est proposé de me venger, et je l’ai refusé encore : c’est le jeune d’Arnaud. Je vous l’adresserai, celui-là. Il viendra vous voir. Je lui ai donné une lettre de recommandation pour M. Helvétius. Il a du mérite, et il est malheureux : il doit être protégé.

Or çà, voilà qui est fait ; je compte sur vous ; mon amitié est la même ; mais que votre négligence ne soit point la même. Je vous embrasse aussi tendrement que jamais.


1047. — À M. L’ABBÉ D’OLIVET[2].
Ce 29.

On m’apporte dans le moment le libelle de l’abbé Desfontaines contre vous[3], mon cher maître. Je crois que le public en pensera comme votre Académie. En vérité, ce misérable n’a voulu que gagner de l’argent : car quel est le but de son livre, s’il vous plait ? De prouver qu’on pardonne en poésie des tours hardis, des phrases incorrectes, que la prose ne souffre pas ? Eh ! n’est-ce pas précisément ce que vous avez dit ? à cela près que vous l’avez dit le premier, et en homme qui possède sa langue et qui est un des plus grands maîtres. Ou il vous combat mal à propos, ou il retourne vos idées. Était-ce la peine de faire un livre ? Il l’a imprimé à Avignon ;

Mais je crois qu’il n’est pas sauvé,
Quoiqu’il soit en terre papale[4].

M. Thieriot vous a sans doute fait voir le Mémoire[5] que je suis obligé de publier contre cet ennemi de la probité et de la vérité.

  1. Depuis le mois de mars 1736, Voltaire faisait souvent remettre de l’argent à d’Arnaud, qui finit par être ingrat envers son bienfaiteur comme Linant et Lamare.
  2. Lettre mise à tort, croyons-nous, en décembre 1738.
  3. Racine vengé, ou Examen des remarques grammaticales de M. l’abbé d’Olivet sur les Œuvres de Racine, à Avignon (Paris), 1739, in-12.
  4. Voyez le Voyage de Bachaumont et Chapelle.
  5. Voyez tome XXIII, page 27.