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mais on dit que le littéraire occupait trop de place. J’ai retranché tout ce qui ne servirait qu’à justifier mon esprit, et j’ai laissé tout ce qui est nécessaire pour venger l’honnête homme des attaques d’un scélérat.

Je mande à M. Helvétius que je vous envoie cet écrit ; vous pourrez le lire avec lui, s’il n’en est pas fatigué. Mais je vous prie de le lire avec l’abbé d’Olivet, qui se connaît très-bien à ces sortes d’ouvrages, et aux personnes que vous croirez les plus capables d’en juger. Après cela, vous en pourrez présenter une copie de ma part à M. de Maurepas. Cela fera honneur à notre amitié dans son esprit. Il m’a écrit ; il est très-bien disposé. Je suis servi dans cette affaire avec autant de vivacité et de zèle par mes amis que si j’étais à Paris. J’espère que le plus ancien de tous sera aussi le plus tendre, et qu’il réparera sa négligence et sa lettre ostensible à Mme du Châtelet par la vigilance que donne l’amitié. Vous nous avez donné de terribles alarmes quand vous avez fait penser que cette malheureuse lettre allait être publique. Compromettre Mme du Châtelet dans cette affaire ! j’en tremble encore. Ce sont des gens bien peu instruits de l’état des choses qui ont pu vous conseiller une démarche si condamnable. Pardon ! j’en suis encore ému. Mme du Châtelet vous prie instamment de retirer toutes les copies que vous avez données de cette malheureuse lettre. Pourquoi l’avez-vous envoyée au prince royal ? Qu’y pouvait-il comprendre, s’il n’avait pas vu le libelle ? Que vouliez-vous lui faire savoir ? Vouliez-vous lui faire entendre que je suis l’auteur du Préservatif, que vous êtes un médiateur, que Mme du Châtelet est trop vive, que vous avez oublié votre lettre du 16 août 1726 ? Quel galimatias ! quelle conduite ! À quoi vous exposez-vous ? Ne connaissez-vous point Mme du Châtelet, et pensez-vous que vous puissiez jamais avoir une autre protection qu’elle auprès du prince ? Si ce prince, qui peut faire votre fortune, savait jamais que sur une lettre où je vous mandais qu’il avait envoyé exprès un de ses favoris a Mme du Châtelet, vous récrivîtes : Il nous en a envoyé un aussi ; si Mme du Châtelet, dans sa colère, l’avait fait savoir au prince, que seriez-vous devenu ? Quel démon a pu vous conseiller d’envoyer à Son Altesse royale cette lettre ostensible dont Mme du Châtelet est furieuse ? C’est donc un factum que vous écrivez au prince royal contre Mme du Châtelet ? Voilà ce que vous lui avez fait penser. Au nom de Dieu ! réparez cette conduite intolérable si vous pouvez. Vous n’avez certainement de parti à prendre qu’à être très-attaché à Mme du Châtelet.

Un jeune homme à qui je n’ai rendu que de faibles services,