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tique. Il doit savoir qu’en pareil cas la politique est un crime. Il a passé près d’un mois sans m’écrire ; enfin il a fait soupçonner qu’il me trahissait. S’il veut réparer tout cela par un écrit plein de tendresse et de force dans le Pour et Contre, à la bonne heure ; mais qu’il ne s’avise pas de parler du Préservatif ; on ne lui demande pas son avis ; et s’il parle de moi, il faut qu’il en parle avec reconnaissance, attachement, estime, ou qu’il se taise, et, surtout, qu’il ne commette point Mme du Châtelet. Qu’il imprime ou non cette lettre dans le Pour et Contre, il est essentiel qu’il m’envoie un mot conçu à peu près en ces termes : « Le sieur T., ayant lu un libelle intitulé la Voltairomanie, dans lequel on avance qu’il désavoue M. de V., et dans lequel on trouve un tissu de calomnies atroces, est obligé de déclarer, sur son honneur, que tout ce qui y est avancé sur le compte de M. de V. et sur le sien est la plus punissable imposture ; qu’il a été témoin oculaire de tout le contraire, pendant vingt-cinq ans, et qu’il rend ce témoignage à l’estime, à l’amitié et à la reconnaissance qu’il doit à … Fait à… Thieriot. »

S’il refuse cela, indigne de vivre ; s’il le fait, je pardonne. Je vous prie de recommander à mon neveu[1] de faire un bon procès-verbal, si faire se peut. Cela peut servir et ne peut me nuire ; cela tient le crime en respect, prévient la riposte, finit tout.

Ah ! ma tragédie, ma tragédie ! quand te commencerai-je ?

Pardon de tant de misères, mais il y va du bonheur de ma vie, et d’une vie qui vous est dévouée. Mon ange, eripe me a fæce, je n’ai recours qu’à vous.


1041. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[2].
Ce 26 (janvier 1739).

Mon cher abbé, je reçois votre lettre du 21, et celle du 23 au 24.

Grand merci, grand merci ; mais le point principal sera de commencer le procès criminel. Il serait bon que le chevalier de Mouhy se chargeât de le poursuivre en son nom, comme pour son ami, si cela se peut. Mais si les lois s’y opposent, ce que je ne crois pas, voici une procuration que je vous envoie.

Vous la donnerez à quelque bon praticien, qui agira en mon

  1. Mignot, conseiller correcteur à la chambre des comptes depuis 1737, et mort en juin 1740.
  2. Édition Courtat.