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comme une défense sûre, en cas d’attaque, et même comme des pièces qui peuvent servir au procès.

Le procès criminel[1], indépendant de ce mémoire et de ces attestations, qui peuvent y servir et ne peuvent y nuire, m’est d’une nécessité absolue, et je veux et je dois m’y prendre par tous les sens pour atterrer cette hydre une bonne fois pour toutes. En un mot, il est toujours bon de commencer par mettre en cause ceux qui ont vendu le libelle, et c’est ce qu’on va faire.

J’apprends que MM. Andry, Procope, Pitaval, etc., présentent requête au chancelier. Il ne faut pas que ma famille se taise quand les indifférents éclatent. Il faut, je crois, que mon neveu[2] envoie ou donne son placet, qui ne peut que disposer favorablement, et qui n’empêche point les procédures juridiques que je vous supplie de lui conseiller fortement, car c’est un crime qui intéresse la société. « Pone inimicos meos scahellum pedum tuorum[3], donce faciam tragædiam. »

Mme du Châtelet se moque de moi avec ses générosités d’âme et ses bienfaits cachés. Elle m’a enfin avoué et lu ce qu’elle vous avait envoyé. Plût à Dieu que cela fût aussi montrable qu’admirable !

Quand je vous envoyai copie d’une de mes lettres à Thieriot, l’original était parti. Lavez la tête à Thieriot ; faites-lui présent, pour ses étrennes, du livre De Officiis et De Amicitia. Respects à l’autre ange.

Adieu ; je baise vos ailes, et me mets dessous.


1014. — À M. THIERIOT.
À Cirey, le 9 janvier.

Mon cher ami, depuis ma dernière lettre écrite, vingt paquets arrivant à Cirey augmentent ma douleur et celle de Mme du Châtelet. Encore une fois, n’écoutez point quiconque vous donnera pour conseil de boire votre vin de Champagne gaiement et d’oublier tout le reste. Buvez, mais remplissez les devoirs sacrés et intéressants de l’amitié. Il n’y a pas de milieu, je suis déshonoré

  1. Le procès criminel n’eut pas lieu. L’affaire fut étouffée au moyen du désaveu de Desfontaines, rapporté ci-après.
  2. Mignot, conseiller-correcteur à la chambre des comptes, depuis 1737. et âgé de vingt-sept à vingt-huit ans, au commencement de 1739. Voyez plus haut la lettre 826.
  3. Psaume cix, v. 1.