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mais ni les circonstances où je me trouve, ni ma santé, ni la liberté, que je préfère à tout, ne me permettent d’oser y penser. J’ai répondu que cette place devait vous être destinée[1], et que je me ferais un honneur de vous céder le peu de suffrages sur lesquels j’aurais pu compter, si votre mérite ne vous assurait de toutes les voix.

J’ai l’honneur d’être, monsieur, avec toute l’estime que vous méritez, votre, etc.


599. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Paris, hôtel d’Orléans, mai.

Il s’agit, mon aimable protecteur, d’assurer le bonheur de ma vie.

M. le bailli de Froulai, qui me vint voir hier, m’apprit que toute l’aigreur du garde des sceaux[2] contre moi venait de ce qu’il était persuadé que je l’avais trompé dans l’affaire des Lettres philosophiques, et que j’en avais fait faire l’édition.

Je n’appris que dans mon voyage à Paris, de l’année passée, comment cette impression s’était faite : j’en donnai un mémoire. M. Rouillé, fatigué de toute cette affaire, qu’il n’a jamais bien sue, demanda à M. le duc de Richelieu s’il lui conseillait de faire usage de ce mémoire.

M. de Richelieu, plus fatigué encore, et las du déchaînement et du trouble que tout cela avait causée[3], persuadé d’ailleurs (parce qu’il trouvait cela plaisant) qu’en effet je m’étais fait un plaisir d’imprimer et de débiter le livre, malgré le garde des sceaux ; M. de Richelieu, dis-je, me croyant trop heureux d’être libre, dit à M. Rouillé : « L’affaire est finie ; qu’importe que ce soit Jore ou Josse qui ait imprimé ce … livre ? Que Voltaire s’aille faire …, et qu’on n’en parle plus ! » Qu’arriva-t-il de cette manière légère de traiter les affaires sérieuses de son ami ? que M. Rouillé crut que mes propres protecteurs étaient convaincus de mon tort, et même d’un tort très-criminel. Le garde des sceaux fut confirmé dans sa mauvaise opinion ; et voilà ce qui, en dernier lieu[4], m’a attiré les soupçons cruels de l’impres-

  1. La Chaussée, et Boyer, évêque de Mirepoix, furent reçus à l’Académie française le 25 juin 1736.
  2. Chauvelin.
  3. Le ministère avait envoyé un exempt, en 1734, chez le duc de Guise même, à Monjeu, pour y saisir l’auteur des Lettres philosophiques.
  4. Voyez la lettre 533, du 8 décembre 1735, à Thieriot.