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vers nous sans nous toucher. L’attraction ne ressemble à rien, de même qu’un de nos cinq sens ne ressemble point aux quatre autres. L’attraction est un nouveau sens que Newton a découvert dans la nature.

Mais, monsieur, je m’aperçois que je joue le rôle d’un nouveau converti très-mal instruit qui s’aviserait de prêcher Claude ou Dumoulin, ou plutôt d’un disciple qui se révolte contre un maître. Je vous demande très-humblement pardon de ma sottise. La bonté extrême de votre caractère m’a fait oublier un moment mon respect pour vous. Je rentre maintenant dans ma coquille, et je me borne à attendre avec impatience le mémoire que vous nous promettez à la suite de celui de 1723. Je ne connais personne qui approfondisse plus et qui expose mieux.

Permettez-moi de vous dire que j’aime l’homme en vous autant que j’estime le philosophe. Vous êtes si persuasif que vous me faites trembler pour le newtonisme, si vous le combattez. Heureux le parti que vous embrasserez ; plus heureuses les personnes qui vous voient et qui vous entendent ! Il n’y en a point qui s’intéresse plus que moi à tout ce qui vous touche, aux hommages que l’on rend à votre mérite, aux récompenses que le gouvernement doit à vos talents et à vos travaux. J’ai respecté vos occupations ; je ne les ai point interrompues par mes lettres ; mais je n’en ai pas moins entretenu dans mon cœur tous les sentiments que je vous ai voués. Il n’y a guère de maison au monde où l’on parle de vous plus que dans la solitude de Cirey. Mme du Châtelet pense sur vous comme moi ; elle me charge de vous assurer de son estime parfaite et de son amitié.

J’aurais répondu plus tôt à l’honneur de votre lettre, mais j’ai été tout près d’aller savoir qui a raison de Newton ou de ses adversaires, si pourtant on en peut apprendre quelque chose là-bas ou là-haut. Ma santé est bien misérable, et c’est, un terrible obstacle à la passion que j’ai pour l’étude, etc. Je suis, monsieur, avec les sentiments, etc.

P. S. M. d’Argental m’ayant fait l’honneur de me mander, monsieur, que vous vouliez savoir en quel endroit Newton parle de la réflexion dans le vide, je lui ai mandé que c’est à la page 3, proposition 8e partie III, livre ii ; j’étais trop malade pour en dire davantage.

Voici comme on fait l’expérience dans une chambre obscure : on prend un récipient fait exprès, percé en haut, et laissant une ouverture d’environ trois pouces de diamètre ; on garnit cette