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lettre m’a presque fait imaginer un plan de tragédie ; une seconde lettre m’en ferait faire les vers. Laissez-moi ma raison, je vous en prie. Hélas ! j’en ai si peu ! Adieu ; les petits chiens noirs[1] vous font mille tendres compliments : l’un s’appelle Zamore, l’autre Alzire. Quels noms ! tout parle ici de tragédie.

On ne peut vous être plus tendrement dévoué que je le suis. V.

Mme  la marquise du Châtelet vous fait mille compliments. Comptez encore une fois, mademoiselle, sur mon tendre dévouement et sur ma reconnaissance.


925. — À FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
À Cirey, août.

Monseigneur, Votre Altesse royale me reproche, à ce que dit M. Thieriot, que mes occupations sont plutôt la cause de mon silence que mes maladies. Mais monseigneur, j’ai eu l’honneur d’écrire par M. Plötz et par M. Thieriot. Voici une troisième lettre, et Votre Altesse royale pourra bien ne se plaindre que de mes importunités.

Ceci, monseigneur, n’est ni belles-lettres, ni vers, ni philosophie, ni histoire. C’est une nouvelle liberté que j’ose prendre avec Votre Altesse royale ; je pousse à bout votre indulgence et vos hontes.

J’ai déjà eu l’honneur de dire un mot à Votre Altesse royale[2] ; d’une petite principauté située vers Liège et Juliers ; elle s’appelle Beringen. Elle est composée de Ham et Beringen ; elle appartient au marquis de Trichâteau, par sa mère[3], qui était de la maison de Honsbruck.

Il y a des dettes, Mme  du Châtelet, qui a plein pouvoir d’en disposer, voudrait bien que ce petit coin de terre, qui ne relève de personne, pût convenir à Sa Majesté le roi votre père. Cinq ou six cent mille florins que la terre peut valoir ne sont que l’accessoire de cette affaire. Le principal serait que la reine de Saba

  1. Voyez les lettres 655 et 657.
  2. Voyez la lettre 915 in fine.
  3. Isabelle-Agnès, baronne de Honsbruck, mariée à Henri-Arnold du Châtelet, marquis de Trichàteau, qui, après lui avoir survécu huit ans, mourut en 1720, laissant de son mariage avec elle Marc-Antoine du Châtelet, marquis de Trichâteau, cité ici par Voltaire. Ce marquis est celui que Mme  de Graffigny appelle le vilain petit Trichâteau, dans une de ses premières lettres écrites de Cirey, en décembre 1738, et publiées on 1820. Il était infirme, et il mourut célibataire, au château de Cirey, le 2 avril 1740. (Cl.)