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Je n’ai offensé ni voulu jamais offenser Marivaux, que je ne connais point, et dont je ne lis jamais les ouvrages. S’il fait un livre contre moi, ce n’est pas par vengeance, car il l’aurait déjà fait paraître ; ce n’est que par intérêt, puisque le libraire, qui ne lui offrait que cinq cents francs, lui en donne cent pistoles, cette année.

À la bonne heure, que ce misérable gagne de l’argent, comme tant d’autres, à me dire des injures : il est juste que l’auteur de la Voiture embourbée, du Tèlèmaque travesti, et du Paysan parvenu, écrive contre l’auteur de la Henriade ; mais il est aussi d’un trop malhonnête homme de vouloir réveiller la querelle des Lettres philosophiques, et de m’exposer à la colère du garde des sceaux, en répandant que vous êtes intéressé à ces Lettres philosophiques, de toute façon.

Mme la marquise du Chàtelet a déjà écrit à M. le bailli de Froulai pour le prier d’en parler au garde des sceaux. Suivez cela très-sérieusement, je vous en prie. Parlez à M. le marquis de Froulai. Faites prévenir M. Rouillé par M. d’Argental et par M. le président Hénault. Ils m’épargneront la peine de couvrir ce zoïle impertinent de l’opprobre et de la confusion qu’il mérite. Adieu ; votre amitié m’est plus précieuse que les outrages de tous ces gens-là ne me sont sensibles.


572. — Á M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
À Cirey, ce 8 mars 1736.

Je vous envoie, mon cher abbé, votre quittance générale, assez inutile ; mais la voilà toujours. Je ne sais pas pourquoi vous voulez que j’envoie tous les jours des reçus de si petites sommes à Pinga. N’a-t-il pas un livre où il met tout cela ? N’est-il pas honnête homme ? Ne m’en remets-je pas à lui ? N’a-t-il pas de plus gros comptes à faire avec moi ? Ne vaut-il pas mieux que vous soyez le maître absolu de tous ces arrangements ?

J’accepte les Lancret et les Albane ; je vous dirai quand il faudra les envoyer. J’attends les quatre autres petites estampes pour Cirey. Pinga vendra les deux Marot, puisque la querelle survenue entre Thieriot et Launai a rendu la chose impraticable.

Voici une autre affaire, mon cher abbé. Je voudrais sous le

  1. Texte publié par M. Courtat : les Vraies Lettres de Voltaire à l’abbé Moussinot ; Paris. Ad. Lainé, 1875. — Sur l’abbé Moussinot, voyez tome XXXIII, la note 3 de la page 166.