Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’Alzire, la dédicace, le Discours, la pièce, corrigés jour et nuit, viennent par la poste. Tout cela est changé, comme une chrysalide qui vient de devenir papillon en une nuit. Vous direz que je me pille : car c’est ce que je viens d’écrire à M. d’Argental ; mais, quand Émilie est malade, je n’ai point d′imagination. Je viens de voir la feuille[1] de l’abbé Prévost ; je vous prie de l’assurer de mon amitié pour le reste de ma vie. Je lui écrirai assurément.

Comptez, mon cher ami, qu’il fallait une dédicace d’une honnête étendue. J’ose assurer que c’est la première chose adroite que j’aie faite de ma vie. Toutes les femmes qui se piquent de science et d’esprit seront pour nous, les autres s’intéresseront au moins à la gloire de leur sexe. Les académiciens des sciences seront flattés, les amateurs de l’antiquité retrouveront avec plaisir des traits de Cicéron et de Lucrèce. Enfin, morbleu, Émilie ordonne, obéissons.

Si la fin du Discours que je vous adresse ne vous plaît pas, je n’écris plus de ma vie.

Allons, voyons si nous serons sûrs d’un censeur. Mon cher ami, je vous recommande cette affaire ; elle est sérieuse pour moi : il s’agit d’Émilie et de vous.

Remerciez M. de Marivaux ; il fait un gros livre contre moi qui lui vaudra cent pistoles. Je fais la fortune de mes ennemis.


571. — Á M. THIERIOT.
À Cirey, ce 6 mars.

Je suis bien malade, mon ami ; mais cela n’empêche pas que je n’aie encore envoyé des changements à M. d’Argental, car il faut bien toujours corriger.

On se moque de moi, quand on veut que je m’excuse sur mon goût pour les Anglais. Il n’est question, dans mon apologie, que de ce qui a été imprimé contre moi ; d’ailleurs, je me donnerai bien de garde de me rendre coupable de cette bassesse envers une nation à qui j’ai obligation, et qui peut encore me donner un asile.

    (poëte latin qui revit lÉnéide). L’auteur de Zaïre n’approuvait pas toujours les corrections que faisait La Popelinière ; voyez la lettre à M. Berger, du 29 juin 1740. (B.)

  1. L’abbé Prùvost, qui, dans le n° cvii du Pour et Contre, avait fait un grand éloge d’Alzire et avait inséré la lettre de Voltaire aux comédiens français (voyez ci-dessus la lettre 529), ainsi que celle de Lefranc.