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le souvenir. Je suis si pressé par le temps que j’en ai la vue éblouie ; le torrent de l’avidité des libraires m’entraîne ; je m’adresse à vous pour n’être point noyé.

La femme de l’Europe la plus digne, et la seule digne peut-être de votre société, joint ses prières aux miennes. On ne vous supplie point de perdre beaucoup de temps ; et d’ailleurs est-ce le perdre que de catéchiser son disciple ? C’est à vous à dire, quand vous n’aurez pas instruit quelqu’un : Amici, diem perdidi[1].

Comptez que Cirey sera à jamais le trés-humble serviteur de Kittis.

Je crois que je viens de corriger assez exactement les fautes touchant la lumière. Je tremble de vous importuner ; mais, au nom de Newton et d’Émilie, un petit mot sur la pesanteur et sur la fin de l’ouvrage[2].


873. — À M. THIERIOT.
À Cirey.

Père Mersenne, je reçois votre lettre du 9. Il faut d’abord parler de notre grande nièce[3], car son bonheur doit marcher avant toutes les discussions littéraires, et l’homme doit aller avant le philosophe et le poëte. Ce sera donc du meilleur de mon cœur que je contribuerai à son établissement ; et je vais lui assurer les vingt-cinq mille livres que vous demandez, bien fâché que vous ne vous appeliez pas M. de Fontaine, car, en ce cas, je lui assurerais bien davantage.

Sans doute je vais travailler à une édition correcte des Èléments de Newton, qui ne seront ni pour les dames ni pour tout le monde[4], mais où l’on trouvera de la vérité et de la méthode. Ce n’est point là un livre à parcourir comme un recueil de vers nouveaux ; c’est un livre à méditer, et dont un Rousseau ou un Desfontaines ne sont pas plus juges que d’une action d’homme de bien. Voici la vraie table, telle que je l’ai pu faire pour ajouter les idées de Newton aux règles de la musique. Montrez cela à Orphée-Euclide[5]. Si, à quelques comma près, cela n’est pas juste, c’est Newton qui a tort. Et pourquoi non ? il était homme ; il s’est trompé quelquefois.

  1. Mot de Titus.
  2. Ces quatre dernières lignes étaient de la main de Mme du Châtelet.
  3. Marie-Élisabeth Mignot, qui épousa M. de Fontaine le 9 juin suivant.
  4. Allusion au titre du livre d’Algarotti, et à cetui de la première édition du livre des Éléments.
  5. Rameau.