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nous dire la raison pourquoi un ciel si charmant couvrait une terre si affreuse. Eh bien ! moi, qui la sais (et c’est la seule chose que je sache mieux que vous), je vous la dirai :

Lorsque la Vérité, sur les gouffres de l’onde,
Dirigeait votre course aux limites du monde,
Tout le Nord tressaillit, tout le conseil des dieux
Descendit de l’Olympe, et vint sur l’hémisphère
Contempler à quel point les enfants de la terre
Oseraient pénétrer dans les secrets des cieux.
Iris y déployait sa charmante parure
Dans cet arc lumineux que nous peint la nature ;
Prodige pour le peuple, et charme de nos yeux.

Pour la seconde fois, oubliant sa carrière,
Détournant ses chevaux et son char de rubis,
Le père des Saisons franchissait sa barrière ;
Il vint, il tempéra les traits de sa lumière ;
Il avança vers vous tel qu’il parut jadis.
Lorsque dans son palais il embrassa son fils,
Son fils, qui moins que vous lui parut téméraire.
Atlas, par qui le ciel fut, dit-on, soutenu.
Aux champs de Tornéo parut avec Hercule.
On vante en vain leurs noms chez la Grèce crédule ;
Ils ont porté le ciel, et vous l’avez connu.
Hercule, en vous voyant, s’étonne que l’Envie,
Dans les glaces du Nord expirât sous vos coups.
Lui qui ne put jamais terrasser dans sa vie
Cet ennemi des dieux, des héros, et de vous.

Dans ce conseil divin Newton parut sans doute ;
Descartes précédait, incertain dans sa route ;
Tel qu’une faible aurore, après la triste nuit,
Annonce les clartés du soleil qui la suit ;
Il cherchait vainement, dans le sein de l’espace.
Ces mondes infinis qu’enfanta son audace.
Ses tourbillons divers, et ses trois éléments.
Chimériques appuis du plus beau des romans.
Mais le sage de Londre et celui de la France
S’unissaient à vanter votre entreprise immense.

Tous les temps à venir en parleront comme eux.
Poursuivez, éclairez ce siècle et nos neveux ;
Et que vos seuls travaux soient votre récompense.
Il n’appartient qu’à vous, après de tels exploits.
De ne point accepter les dons des plus grands rois.