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que je me connaissais fort bien en probité et en odes : que, s’il m’avait estimé, il n’aurait pas du me calomnier, et que, puisqu’il m’avait calomnier, il aurait dû se rétracter ; que je ne pouvais pardonner qu’à ce prix ; qu’à la vérité il y a de l’humilité à faire de pareilles odes, mais qu’il faut être juste au lieu d’affecter d’être humble.

Vous reconnaîtrez à cela mon caractère. Je pardonne toutes les faiblesses ; mais il est d’un esprit bas et lâche de pardonner aux méchants. Vous devriez, sur ce principe, mander à M. Lefranc qu’il est indignie de lui de ménager l’abbé Desfontaines qu’il méprise. Les éloges d’un scélérat ne doivent jamais flatter un honnête homme, et Desfontaines n’est pas un assez bon écrivain pour racheter ses vices par ses talents, et pour donner du prix à son suffrage.

Je souscris au vers de la satire sur l’Envie,

Méprisable en son goût, détestable en ses mœurs[1],

et vous devez d’autant plus y souscrire que ce misérable vous a traité indignement dans la rapsodie de son Dictionnaire neologique, et dans les lettres qu’il osait m’écrire autrefois.

Renvoyez-nous vite madame de Champbonin, et venez vite après elle. Mme  du Châtelet et moi nous serions cruellement mortifiés qu’on imputât à Cirey la lettre que vous nous avez envoyée sur le Père Castel[2], et à laquelle nous n’avons d’autre part que de l’avoir lue. Il serait bien cruel qu’on pût avoir sur cela le moindre soupçon. Vous savez, mon cher ami, ce que vous nous avez mandé, et votre probité et votre amitié sont mes garants. Je suis bien sûr que si les jésuites m’imputent cet ouvrage, vous ferez ce qu’il faudra pour leur faire sentir combien je suis sensible à cette calomnie.

Envoyez-moi la Lettre[3] contre les Éléments de Newton ; s’il y a du bon, j’en profiterai.

Adieu, mon cher ami ; je vous embrasse avec tendresse. Mandez-moi, je vous prie, à qui vous avez donné des Newton, pour ne pas tomber dans les doubles emplois. Comment va votre santé ? La mienne s’en va au diable.

Répondez à votre tour, article par article. Voici une lettre[4] pour notre prince, à l’adresse qu’il m’a donnée.

  1. Troisième Discours sur l’Homme v. 94.
  2. Voyez la lettre 843.
  3. Par le Père Régnault ; voyez une note sur la lettre 769.
  4. Celle du 20 mai.