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863. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
9 mai.

Puis-je ajouter un mot à tout ce que l’amitié la plus respectable vient de vous dire ? Ne serait-il pas mieux de nier que j’aie la moindre part à un ouvrage innocent, empoisonné par la calomnie, que de m’en avouer l’auteur ? Il est bien démontré, sans doute, qu’il est impossible que j’aie jamais eu dessein d’offenser la personne en question[2]. Mais enfin ce n’est point être innocent que d’avoir donné un prétexte à ces explications odieuses. Dès qu’on abuse de mon ouvrage, ce malheureux ouvrage est bien criminel. Que faire donc ? C’est à vous à le savoir : moi, je ne peux que me désespérer. Faut-il donner une nouvelle édition de l’Èpître corrigée ? Faut-il l’anéantir ? Faut-il m’anéantir moi-même ? Ordonnez. Ce qui est sûr, c’est que je ne vivrai que pour sentir vos bontés aussi vivement que je sens le contre-coup affreux de cette délestable application.

Ce ne sera point mentir que de dire que je n’en suis point l’auteur, car je ne puis être l’auteur de rien qui puisse déplaire à la personne dont il est question.


864. — À M. DE PONT-DE-VEYLE.
10 mai.

Je fais mon très-Humble compliment à l’honnête homme, quel qu’il soit, qui a fait cette jolie comédie du Gascon de La Fontaine, dont on m’a dit tant de bien.

Puisque vous êtes coadjuteur de. M. d’Argental, dans le pénible emploi de mon ange gardien, voici de quoi faire usage de vos bontés. Je vous envoie, ange gardien charmant, une petite addition à un mémoire que je suis obligé de publier au sujet des Éléments de Newton, débités trop précipitamment, etc. Cette petite addition vous mettra au fait. Vous connaissez mon caractère, vous savez combien je suis vrai.

J’ai poussé la vertu jusques à l’imprudence[3].

  1. Éditeurs, de Cayrol el François. Ces quelques lignes faisaient suite à une lettre de Mme  du Châtelet.
  2. Mme  de Ruffec, veuve en premières noces du président de Maisons, était fille de d’Angervilliers, secrétaire d’État, et de Marie-Anne de Maupeou. Voyez, tome IX, les variantes du troisième des Discours sur l’Homme.
  3. Parodie de ce vers de Racine :
    J’ai poussé la vertu jusques à la rudesse.
    (Phèdre, acte IV, se. ii.)