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sées. Il est temps de s’ouvrir de nouvelles routes. Je vous exhorte à marcher dans cette carrière. Pour moi, je ne crois pas que j’y rentre. Les genres d’études où je m’applique présentement ne sont guère compatibles avec les vers. Mais si je n’en fais plus, je les aimerai toujours ; les vôtres me seront chers, et je vous supplierai de vouloir bien m’envoyer ce que vous ferez de nouveau.

Mme  la marquise du Châtelet, dont l’esprit universel embrasse tous les arts, et qui sait juger de Virgile comme de Locke, en connaissance de cause, pense de la même manière que moi sur votre pièce. Si mon suffrage est peu de chose, le sien doit être d’un grand poids.

J’ai l’honneur d’être, monsieur, avec bien de l’estime, votre, etc.

Voltaire

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564. — Á M. DE CIDEVILLE.
Ce 22 février.

Mon aimable et respectable ami, voilà trois de vos lettres auxquelles une de ces maladies de langueur que vous me connaissez m’a empêché de répondre. Tandis que monsieur votre père[1] souffrait, à quatre-vingts ans, des coups de bistouri, et réchappait d’une opération, moi, je dépérissais de ces maux d’entrailles qui sont à l’épreuve du bistouri. Peut-être, depuis votre dernière lettre, avez-vous perdu monsieur votre père. En ce cas, je reprends vigueur, en reprenant l’espérance qu’enfin vous vivrez pour vous, pour les belles-lettres, pour vos amis surtout, et que la déesse de Cirey pourra vous voir dans son temple. Je suis persuadé que vous ne m’avez pas assez méprisé pour penser que je pusse quitter un moment Cirey pour aller jouir des vains applaudissements du parterre et de

· · · · · · · · · · · · · · · je ne sais quel amour[2]
Que la faveur publique ôte et donne en un jour.

Si j’allais à Paris, ce ne serait que parce qu’il est sur le chemin de Rouen. Vous m’avez bien connu, vous avez toujours adressé vos lettres à Cirey, malgré les indignes gens qui disaient que j’avais été à Paris.

  1. François Le Cornier, maître des requêtes de l’hôtel du roi, de 1667 à 1675.
  2. Néron dit à Burrhus, dans Britannicus :
    Je ne sais quel amour
    Que le hasard nous donne et nous ôte en un jour.

    (Acte IV, scène iii.)