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Son Altesse royale prît votre refus pour un mécontentement secret, ce que je ne crois pas, je vous réponds qu’en ce cas M. de Keyserlingk vous servirait avec autant de zèle que moi-même. Continuez sur ce ton ; que vos lettres insinuent toujours au prince le prix qu’il doit mettre à votre affection à son service, à vos soins, à votre sagesse, à votre désintéressement ; et je vous réponds, moi, que vous vous en trouverez très-bien. J’ai été prophète une fois en ma vie, aussi n’était-ce pas dans mon pays : c’était à Londres, avec notre cher Falkener. Il n’était que marchand, et je lui prédis qu’il serait ambassadeur à la Porte. Il se mit à rire ; et enfin le voilà ambassadeur. Je vous prédis que vous serez un jour chargé des affaires du prince devenu roi, et, quoique je fasse cette prédiction dans mon pays, votre sagesse l’effectuera, Mais, d’une manière ou d’autre, soyez sûr d’une fortune.

Je suis bien aise que Piron gagne quelque chose à me tourner en ridicule[1]. L’aventure de la Malcrais-Maillard est assez plaisante. Elle prouve au moins que nous sommes très-galants : car, quand Maillard nous écrivait, nous ne lisions pas ses vers ; quand Mlle de Lavigne nous écrivit, nous lui fîmes des déclarations.

Monsieur le chancelier[2] n’a pas cru devoir m’accorder le privilège des Éléments de Newton ; peut-être dois-je lui en être très-obligé. Je traitais la philosophie de Descartes comme Descartes a traité celle d’Aristote. M. Pitot, qui a examiné mon ouvrage avec soin, le trouvait assez exact ; mais enfin je n’aurais eu que de nouveaux ennemis, et je garderai pour moi les vérités que Newton et S’Gravesande m’ont apprises. Adieu, mon cher ami.


823. — À M. DE MAUPERTUIS.
À Cirey, janvier.

Romulus, et Liber pater, et cum Castore Pollux, …
Ploravere suis non respondere favorem
Speratum meritis.

(Hor., lib. II, ep. i, v.5.)
  1. Dans la Métromanie, jouée, pour la première fois, le 7 janvier 1738, Piron avait mis à profit l’aventure de Desforges-Maillard avec quelques beaux esprits, et, entre autres, avec Voltaire, qu’il parait y avoir peint sous les traits du poëte Damis. (Cl.)
  2. D’Aguesseau.