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mon sujet plus que mon parterre, mais encore en ne songeant pas assez que ce sujet a déjà été traité plusieurs fois. Je ne connais point du tout le Télèphonte de M. de Lachapelle ; je n’avais nulle idée de l’Amasis[1] ; je viens de lire cet Amasis, que M. d’Argental a eu la bonté de m’envoyer : je vous avoue que je n’y trouve rien selon mon goût ; cela me paraît un roman chimérique, chargé d’incidents à mettre dans les Mille et une Nuits. Depuis trente-cinq ans que cette pièce est imprimée, elle n’a aucun succès dans l’Europe ; mais je conçois très-bien qu’elle en peut avoir un grand quand on la joue bien. Tel est le Comte d’Essex, pièce mieux conduite ; telle est Andronic[2], ouvrage faible d’un bout à l’autre. Il y a beaucoup de pièces que le théâtre souffre, mais dont il est impossible de retenir deux vers.

Je ne donnais ma Mèrope que comme une imitation de la Mérope de M. Maffei ; je comptais même la lui dédier ; j’espérais que le public la verrait sur le pied d’une espèce de traduction ; j’avouerai encore que la simplicité de l’ouvrage de M. Maffei m’avait séduit ; que j’aime mieux la scène où la mère prend son fils pour le meurtrier de son fils même que beaucoup de pièces entières de Corneille et de Racine. J’ai toujours pleuré à ces paroles de Mérope :

· · · · · · · · · · Hai madre ?
· · · · · · · · · · Barbaro ! madré
Fui ben anch’io, e sol per tua cagione
Or nol son più.

Barbare ! il te reste une mère ?
Je serais mère encor sans toi, sans ta fureur.
Tu m’as ravi mon fils, etc.

Je vois que je me suis encore bien trompé sur le cinquième acte, qui n’est qu’une traduction littérale des trois quarts du cinquième acte italien. Je regardais le récit d’Isménie comme un chef-d’œuvre, et le vieillard comme tout autre chose qu’un confident. Il y a tel roi qui n’est qu’un personnage subalterne, et je ne connais aucun personnage aussi principal que ce vieillard. J’entends le vieillard de Maffei ; mais enfin le mien n’est qu’une traduction, ou peu s’en faut,

Dirai-je encore que c’est la seule pièce où l’amour maternel soit véritablement traité, la seule où ce grand intérêt ne soit

  1. Par Lagrange-Chancel.
  2. Par Campistron.