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sant. Je vous supplie d’encourager Zamore[1] etAlzire à se charger de ces nouveautés.

Je ferai tenir, par la première occasion, l’opéra de Samson ; je viens de le lire avec Mme du Châtelet, et nous sommes convenus l’un et l’autre que l’amour, dans les deux premiers actes, ferait l’effet d’une flûte au milieu des tambours et des trompettes. Il sera beau que deux actes se soutiennent sans jargon d’amourette, dans le temple de Quinault. Je maintiens que c’est traiter l’amour avec le respect qu’il mérite que de ne le pas prodiguer et ne le faire paraître que comme un maître absolu. Rien n’est si froid quand il n’est pas nécessaire. Nous trouvons que l’intérêt de Samson doit tomber absolument sur Samson, et nous ne voyons rien de plus intéressant que ces paroles :

Profonds abîmes de la terre, etc.

( Acte V, scène i.)

De plus, les deux premiers actes seront très-courts, et la terreur théâtrale qui y règne sera, pour la galanterie des deux actes suivants, ce qu’une tempête est à l’égard d’un jour doux qui la suit. Encouragez donc notre Rameau à déployer avec confiance toute la hardiesse de sa musique. Vous voilà, mon cher ami, le confident de toutes les parties de mon âme, le juge et l’appui de mes goûts et de mes talents. Il ne me manque que celui de vous exprimer mon amitié et mon estime. Dès que j’aurai un quart d’heure à moi, je vous enverrai des fragments de l’histoire du Siècle de Louis XIV, et d’un autre ouvrage aussi innocent que calomnié[2].

Je voudrais bien pouvoir convertir monsieur le garde des sceaux. Les persécutions que j’ai essuyées sont bien cruelles. Je me plaindrais moins de lui si je ne l’estimais pas. J’ose dire que s’il connaissait mon cœur il m’aimerait, si pourtant un ministre peut aimer,


556. — Á M. THIERIOT.
À Cirey, ce 9 février.

Je suis toujours un peu malade, mon cher ami. Mme la marquise du Châtelet lisait hier, au chevet de mon lit, les Tusculanes de Cicéron, dans la langue de cet illustre bavard ; ensuite elle lut

  1. C’est-à-dire Dufresne. Le rôle d’Alzire était rempli par Mlle Gaussin.
  2. L’opéra de Samson.