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et m’alarme beaucoup. Je crains de perdre solum hominem, mon maître qui m’instruit et me guide ; je crains, avec raison, de perdre un homme qui vaut seul plus que toute sa nation.

La nature à force de travailler devient plus habile : elle a formé votre cerveau sur tous les bons originaux qu’elle a faits en tous les siècles. Il est à craindre qu’elle se contente de n’avoir fait que ce chef-d’œuvre. Soyez sûr, monsieur, que vos jours me sont aussi chers et aussi précieux que les miens propres.

Ah ! si le sort cruel veut attaquer ta vie,
Si pour jamais enfin il veut nous séparer,
Ta mort de mon trépas serait dans peu suivie.
Mais non ; ce coup affreux peut encor se parer ;
Pour servir l’univers, pour servir Émilie,
Pour conserver tes jours, c’est à moi d’expirer.

Je suis avec une sincère amitié et avec toute l’estime que la vertu suprême et le mérite extorquent même aux envieux, et reçoivent en hommage[1] des âmes bien nées, monsieur, votre très-fidèlement affectionné ami,

Fédéric
779. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[2].
Ce 7 (octobre 1737).

J’ai reçu, mon cher abbé, votre billet du 30 septembre.

Commençons par les affaires :

1° Il est essentiel de prendre les voies juridiques avec M. le prince de Guise, et bienséant de mêler a cela toute la considération possible. Il faut donc signifier mon contrat à M. Gautier, et savoir en même temps quand il pourra payer. Cela fait pour la sûrelé de mes arrérages, vous pourriez parler ensuite au secrétaire de la commission, qui est le secrétaire de M. de Machault, et présenter requête, faire toutes formalités nécessaires,

2° Il faut faire assigner Demoulin, suivant son obligation de l’année passée, faite au mois de juin par devant Ballot, notaire, laquelle obligation est chez vous ou chez Robert, ou qu’il faut lever chez Ballot, prés des Quinze-Vingts.

3° M. de Richelieu m’a écrit que tout était aplani et terminé avec Mme  d’Aubigné, C’est à vous à consommer avec l’intendant, que je vous prie d’assurer de ma reconnaissance.

4° En passant la transaction de ce transport que M. de Riche-

  1. En hommage des cœurs bien placés, (Variante des Œuvres posthumes ; édit. de Berlin et de Londres.)
  2. Édition Courtat.