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monde, pourront procurer au livre un débit qu’il ne mériterait guère sans ce goût de la nouveauté, et surtout sans vos soins. Les libraires le demandent déjà avec assez d’empressement.

Je me flatte qu’un esprit philosophique comme le vôtre ne sera point effarouché de l’attraction. Elle me paraît une nouvelle propriété de la matière. Les effets en sont calculés, et il est de toute impossibilité de reconnaître pour principes de ces effets l’impulsion telle que nous en avons l’idée. Enfin vous en jugerez.

Je vous dirai, pour commencer mon commerce de questions avec vous, qu’ayant vu les expériences de M. S’Gravesande sur les chutes et les chocs des corps, j’ai été obligé d’abandonner le système qui fait la quantité de mouvement le produit de la masse par la vitesse, et, en gardant pour M. de Mairan et pour son Mémoire[1] une estime infinie, je passe dans le camp opposé, ne pouvant juger d’une cause que par ses effets, et les effets étant toujours le produit de la masse par le carré de la vitesse, dans tous les cas possibles et à tous les moments.

Il y a des idées bien nouvelles (et qui me paraissent vraies d’un docteur Berkeley, évêque de Cloyne, sur la manière dont nous voyons. Vous en lirez une petite ébauche dans ces Éléments : mais je me repens de n’en avoir pas assez dit. Il me paraît surtout qu’il décide très-bien une question d’optique que personne n’a jamais pu résoudre : c’est la raison pour laquelle nous voyons dans un miroir concave les objets tout autrement placés qu’ils ne devraient l’être suivant les lois ordinaires.

Il décide aussi la question du différend entre Régis et Malebranche, au sujet du disque du soleil et de la lune, qu’on voit toujours plus grands à l’horizon qu’au méridien, quoiqu’ils soient vus à l’horizon sous un plus petit angle. Il me paraît qu’il prouve assez que Malebranche et Régis avaient également tort.

Pour moi, qui viens d’observer[2] ces astres à leur lever et à leur coucher avec un large tuyau de carton qui me cachait tout l’horizon, je peux vous assurer que je les ai vus tout aussi grands que quand mes yeux les regardaient sans tube. Tous les assistants en ont jugé comme moi.

Ce n’est donc pas la longue étendue du ciel et de la terre qui me fait paraître ces astres plus grands à leur lever et à leur coucher qu’au méridien, comme le dit Malebranche.

J’ajouterai un article sur ce phénomène et sur celui des

  1. Sur les Forces motrices.
  2. Voyez tome XXII, pages 473 et suivantes.