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monsieur votre beau-frère à M. de Fénelon, et d’exiger de M. de Fénelon qu’il écrive en conformité au cardinal, ou celui d’écrire vous-même. Je trouverais ce dernier parti plus prompt, plus efficace, et plus convenable à un homme comme vous. Deux mots et votre nom feraient beaucoup, je vous en réponds. Il ne s’agirait que de dire au cardinal que l’équité seule vous force à l’instruire que le bruit que mes ennemis ont fait courir est sans fondement, et que ma conduite en Hollande a confondu les calomniateurs.

Soyez sûr que le cardinal vous répondra, et qu’il en croira un homme accoutumé à démontrer la vérité. Je vous remercie, et je me souviendrai toujours de celles que vous m’avez enseignées. Je n’ai qu’un regret, c’est de n’en plus apprendre sous vous. Je vous lis au moins, ne pouvant plus vous entendre. L’amour de la vérité m’avait conduit à Leyde, l’amitié seule m’en a arraché. En quelque lieu que je sois, je conserverai pour vous le plus tendre attachement et la plus parfaite estime.


731. — À M. LE COMTE DE SAXE[1].

Voici, monsieur le comte, la Défense du Mondain ; j´ai l´honneur de vous l’envoyer, non-seulement comme à un mondain très-aimable, mais comme à un guerrier très-philosophe, qui sait coucher au bivouac aussi lestement que dans le lit magnifique de la plus belle de ses maîtresses, et tantôt faire un souper de Lucullus, tantôt un souper de hussard.

Omnis Aristippum deccuit color et status et res.

Je vous cite Horace, qui vivait dans le siècle du plus grand luxe et des plaisirs les plus raffinés ; il se contentait de deux demoiselles ou de l’équivalent, et souvent il ne se faisait servir à table que par trois laquais ; cœna ministratur pucris tribus. Les poètes de ce temps-ci, sous un Mécène tel que le cardinal de Fleury, sont encore plus modestes.

Oui, je suis loin de m’en dédire,
Le luxe a des charmes puissants ;

  1. Maurice, comte de Saxe, né en 1696, maréchal de France en 1743, vainqueur à Fontenoy (voyez, tome XV, le chapitre xv du Précis du Siècle de Louis XV), mort le 30 novembre 1750. Jusqu’à présent on avait mis cette lettre en tête de la Défense du Mondain voyez tome X) ; elle a été imprimée, pour la première fois, en 1771, comme trouvée dans les papiers du maréchal. (B.)