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cela ne se peut : voilà pourquoi M. de Malésieu, dans ses Éléments de Géométrie, pages 117 et suivantes, paraît se tromper en ne distinguant pas l’indivisible physique et l’indivisible mathématique. Il tombe surtout dans une grande erreur au sujet des unités. Je vous prie de relire cet endroit de sa Géométrie.

Je reviens donc à cette proposition : Il est impossible de prouver qu’il y ait de la contradiction, de l’incompatibililé, entre la matière et la pensée. Pour savoir s’il est impossible que la matière pense, il faudrait connaître la matière, et nous ne savons ce que c’est : donc, voyant que nous sommes cet être que nous appelons matiètre, et que nous pensons, nous devons juger qu’il est très-possible à Dieu d’ajouter la pensée à la matière, par les raisons ci-devant déduites dans ma dernière lettre[1].

Permettez-moi d’ajouter encore cet argument-ci : Je ne sais point comment la matière pense, ni comment un être, quel qu’il soit, pense ; peut-on nier que Dieu n’ait le pouvoir de faire un être doué de mille qualités à moi inconnues, sans lui donner ni l’étendue ni la pensée ?

Or Dieu, ayant créé un être, ne peut-il pas le faire pensant ? Et, après l’avoir fait pensant, ne peut-il pas le faire étendu, et vicissim ? Il me semble que, pour nier cela, il faudrait être chef du conseil de Dieu, et savoir bien précisément ce qui s’y passe.


548. — Á M. LE COMTE D’ARGENTAL[2],
conseiller d’honneur au perlement.
Ce … 1736.

Vous protégez une cause et vous rapportez un procès[3] dont l’issue me fait trembler. Que ne puis-je mériter tout ce que vous daignez faire pour moi ! Mais il ne m’est pas si aisé de faire de bons vers qu’à vous de rendre de bons offices. Je ne vois plus qu’un Ahan ! Je tâche au hasard de vous satisfaire ; jugez de tout ce que je vous envoie.

Je pencherais pour remettre le troisième acte suivant les scènes ci-jointes ; il me semble que la scène du père ne fait pas un mauvais effet. Ce n’est point un bas et lâche politique ; c’est un homme devenu européan et chrétien, qui fait tout pour sa fille.

  1. Celle du 13 janvier.
  2. Cette lettre, éditée par MM. de Cayrol et A. François sous la date de 1733 nous semble être du commencement de 1736. (G. A.)
  3. D’Argental suivait les répétitions d’Alzire à la Comédie.