Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous rendrez encore un plus grand service à la plus adorable personne du monde : vous la consolerez, vous resterez auprès d’elle autant que vous le pourrez. J’ai plus besoin encore de consolations ; j’ai perdu mille fois davantage, vous le savez ; vous êtes témoin de tout ce que son cœur et son esprit valent ; c’est la plus belle âme qui soit jamais sortie des mains de la nature : voilà ce que je suis forcé de quitter. Parlez-lui de moi, je n’ai pas besoin de vous en conjurer. Vous auriez été le lien de nos cœurs, s’ils avaient pu ne se pas unir eux-mêmes. Hélas ! vous partagez nos douleurs ! Non, ne les partagez pas, vous seriez trop à plaindre. Les larmes coulent de mes yeux en vous écrivant. Comptez sur moi comme sur vous-même. Je vous remercie encore une fois de la marque d’amitié que vient de me donner M. de Champbonin.


703. — À MADAME LA MARQUISE DU CHATELET.
Décembre.

· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · J’écris à Mme de Richelieu ; mais je ne lui parle presque pas de mon malheur. Je ne veux pas avoir l’air de me plaindre[1]


704. — AU PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
(Leyde) décembre[2].

Monseigneur, j’ai versé des larmes de joie en lisant la lettre du 9 septembre, dont Votre Altesse royale a bien voulu m’honorer : j’y reconnais un prince qui certainement sera l’amour du genre humain. Je suis étonné de toute manière : vous pensez comme Trajan, vous écrivez comme Pline, et vous parlez fran-

  1. De la volumineuse correspondance de Voltaire avec Mme du Châtelet (voyez No 417) il ne reste que ce fragment, que M. Clogenson croit du 25 au 30 décembre, et quelques lignes qui doivent être du mois d’août 1736 : « Voici, dit-il, des fleurs et des épines que je vous envoie. Je suis comme saint Pacôme, qui, récitant ses matines sur sa chaise percée, disait au diable : Mon ami, ce qui va en haut est pour Dieu ; ce qui tombe en bas est pour toi. Le diable, c’est Rousseau ; et pour Dieu, vous savez bien que c’est vous. » (B.) — Voyez, tome X, pages 517-518, dans les Poésies mêlées, le madrigal :
    Tout est égal, et la nature sage, etc.
    et l’épigramme :
    Certain émérite envieux.
  2. Cette lettre est écrite de Leyde, où demeuraient Boerhaave et S’Gravesaude. (B.)