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sur mon cœur pour que je n’aille pas chercher plus loin une retraite, à l’exemple des Descartes et des Bayle. Jamais l’hypocrisie n’a plus infecté les Espagnols et les Italiens. Il s’est élevé contre moi une cabale qui a juré ma perte ; et pourquoi ? parce que y ai fait la Henriade, Charles XII, Alzire, etc. ; parce que j’ai travaillé vingt ans à donner du plaisir à mes compatriotes.

Virtutem incolumem odimus,
Sublatam ex oculis quærimus invidi.

(Hor., liv. III, od. xxiv, v. 31.)

Adieu, mon cher et respectable ami ; embrassez pour moi M. de Formont. Émilie vous fait mille sincères compliments. V.


696. — À M. LE COMTE DE TRESSAN.
Ce 9 décembre.

Il est certain que c’est M, le président Dupuy qui a distribué des copies du Mondain dans le monde, et, qui pis est, des copies très-défigurées. La pièce, tout innocente qu’elle est, n’était pas faite assurément pour être publique. Vous savez d’ailleurs que je n’ai jamais fait imprimer aucun de ces petits ouvrages de société qui sont, comme les parades du prince Charles[1] et du duc de Nevers, supportables à huis clos. Il y a dix ans que je refuse constamment de laisser prendre copie d’une seule page du poëme de la Pucelle, poëme cependant plus mesuré que l’Arioste, quoique peut-être aussi gai. Enfin, malgré le soin que j’ai toujours pris de renfermer mes enfants dans la maison, ils se sont mis quelquefois à courir les rues. Le Mondain a été plus libertin qu’un autre. Le président Dupuy dit qu’il le tenait de l’évêque de Luçon, lequel prélat, par parenthèse, n’était pas encore assez mondain, puisqu’il a eu le malheur d’amasser douze mille inutiles louis dont il eût pu, de son vivant, acheter douze mille plaisirs.

Venons au fait. Il est tout naturel et tout simple que vous ayez communiqué ce Mondain de Voltaire à cet autre mondain d’évêque. Je suis fâché seulement qu’on ait mis dans la copie :

Les parfums les plus doux
Rendent sa peau douce, fraîche, et polie ;

il fallait mettre :

Rendent sa peau plus fraîche et plus polie.

  1. Charles de Lorraine, cité dans la lettre du 29 avril 1735, à Cideville.