Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Est-il vrai que le son se réfracte de l´air dans l´eau, et cela en même proportion que la lumière ? D’où l’a-t-on pu savoir ? Il n’y a que les poissons qui puissent nous le dire, et ils passent pour être sourds et muets. Je vous demande un petit mot sur cela.

Il court, à ce que l’on me mande, une Èpître[1] sur la philosophie de Newton ; j’ai peur qu’elle ne soit très-informe ; souffrez que je vous envoie une copie exacte. Je souhaiterais que ce petit ouvrage pût prouver que la physique et la poésie ne sont point incompatibles.

Je vous supplie de vouloir bien me dire, dans votre réponse, pourquoi la lumière est, selon Musschenbroeck, dix minutes à traverser le grand orbe annuel, et arrive cependant en sept minutes ou environ du soleil à nous, N’a-t-il pas pris dix minutes pour environ quatorze minutes ? Ignosce et doce.


693. — DE FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
Remusberg, 3 décembre 1736[2].

Monsieur, j’ai été agréablement surpris en recevant aujourd’hui votre lettre avec les pièces dont vous avez bien voulu l’accompagner. Rien au monde ne m’aurait pu faire plus de plaisir, n’y ayant aucuns ouvrages dont je sois aussi avide que des vôtres. Je souhaiterais seulement que la souveraineté que vous m’accordez, en qualité d’être pensant, me mît en état de vous donner des marques réelles de l’estime que j’ai pour vous, et que l’on ne saurait vous refuser.

J’ai lu la dissertation sur l’âme que vous adressez au Père Tournemine[3]. Tout homme raisonnable qui ne peut croire que ce qu’il peut comprendre, et qui ne décide pas témérairement sur des matières que notre faible raison ne saurait approfondir, sera toujours de votre sentiment. Il est certain que l’on ne parviendra jamais à la connaissance des premières causes. Nous qui ne pouvons pas comprendre d’où-vient que deux pierres frappées l´une contre l’autre donnent du feu, comment pouvons-nous avancer que Dieu ne saurait réunir la pensée à la matière ? Ce qu’il y a de sur, c’est que je suis matière, et que je pense. Cet argument me prouve la vérité de votre proposition.

Je ne connais le Père Tournemine que par la façon indigne dont il a attaqué M. Beausobre sur son Histoire critique du manichéisme. Il substitue les

  1. Voyez une note de la lettre 637.
  2. Dans l´édition des Œuvres posthumes de Frédéric, Berlin, 1788, cette lettre est datée du 14 décembre 1737. Les éditeurs des mêmes œuvres, Amsterdam (Liège), 1789, lui ont laissé la date du 3 décembre 1736, qu’elle porte dans les éditions de Kehl. (B.)
  3. C’est la lettre 530.