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Nous vous regardons tous deux comme un homme qui excelle dans le premier de tous les talents, celui de la sociélté.

Si vous revoyez les deux chevaliers[1] sans peur et sans reproche, joignez, je vous en prie, votre reconnaissance à la mienne. Je leur ai écrit ; mais il me semble que je ne leur ai pas dit assez avec quelle sensibilité je suis touché de leurs bontés, et combien je suis orgueilleux d’avoir pour mes protecteurs les deux plus vertueux hommes du royaume.

M. Lefranc ne paraît pas au moins le plus modeste. Je vous envoie la copie d’une lettre que j’ai écrite aux comédiens[2], qui se trouve heureusement servir de contraste à celle pleine d’amour-propre par laquelle il les a probablement révoltés. Au reste, je me défie de mon ouvrage autant que Lefranc est sûr du sien ; non pas que je veuille avoir le plaisir d’opposer de la modestie à sa vanité, mais parce que je connais mieux le danger, et que je connais, par expérience, ce que c’est que d’avoir affaire au public.

Je vous supplie de dire à M. d’Argental qu’il faut absolument que la Lettre de M. Algarotti soit imprimée[3]. Je ne veux ni rejeter l’honneur qu’il m’a fait, ni le priver du plaisir de sentir le cas que je fais de cet honneur. Il aurait raison d’être piqué si je ne faisais pas servir sa lettre à l’usage auquel il la destine.

Je vous prie de remercier pour moi le vieux bonhomme La Serre[4].

J’approuve infiniment la manière dont vous vous conduisez avec les mauvais auteurs. Il n’y a aucun écrivain médiocre qui n’ait de l’esprit, et qui par là ne mérite quelque éloge. Vous avez grande raison de distinguer M. Destouches de la foule : c’est un homme sage dans sa conduite comme dans son style, et que j’honore beaucoup.

Je compte vous envoyer, dans quelque temps, la copie de Samson. Je persiste, jusqu’à nouvel ordre, dans l’opinion qu’il faut, dans nos opéras, servir un peu plus la musique, et éviter les langueurs du récitatif. Il n’y en aura presque point dans Samson, et je crois que le génie d’Orphée-Rameau y sera plus à son aise ; mais il faudra obtenir un examinateur raisonnable, qui se souvienne que Samson se joue à l’Opéra, et non en Sor-

  1. Le bailli de Froulai et le chevalier d’Aidie.
  2. Voyez la lettre. 529.
  3. Sur la tragédie de la Mort de César.
  4. Voyez la lettre 339.