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Francine ; et il l’appela depuis homme divin, parce que, dans une quête que Mme  de Bouzoles eut la bonté de faire pour Rousseau, lorsqu’il était en Suisse, M. de Francine eut la générosité de donner vingt louis. Je devrais donc avoir quelque petite part à cette épithète de divin, un cinquième, de compte fait : car j’avais donné quatre louis pour mon aumône à Rousseau.

En vérité, il a grand tort de me vouloir du mal, car, outre la liaison qui était entre mon père et le sien, j’ai actuellement un valet de chambre[1] qui est son proche parent, et qui est très-honnête homme. Ce pauvre garçon me demande tous les jours pardon des mauvais vers que fait son parent.

Est-ce ma faute, après tout, si Rousseau a eu autrefois des coups de bâton du sieur Pécourt, dans la rue Cassette, pour avoir fait et avoué ces couplets qui sont mentionnés dans son procès criminel ?

Que le bourreau par son valet
Fasse un jour serrer le sifilet
De Berlin et de sa séquelle ;
Que Pécourt, qui fait le ballet,
Ait le fouet au pied de l’échelle, etc.

Est-ce ma faute, s’il se plaignit d’avoir reçu cent coups de canne de M. de La Faye ; s’il s’accommoda avec lui, par l’entreprise de M. de Lacontade, pour cinquante louis qu’il n’eut point ; s’il calomnia M. Saurin ; s’il fut banni par arrêt à perpétuité ; s’il est en horreur à tout le monde ; si enfin (ce qui le fâche le plus) il a rimé longuement des fadaises ennuyeuses ; s’il a fait les Aïeux chimériques, le Café, la Ceinture magique, etc. ? Je ne suis pas responsable de tout cela.

Il s’est associé, pour rendre sa cause meilleure, avec l’abbé Desfontaines, auteur d’un ouvrage périodique qui vous est connu ; et cet abbé envoie de temps en temps en Hollande de petits libelles contre moi.

Il est bon que vous sachiez, messieurs, que cet abbé est un homme que j’ai, en 1724, tiré de Bicêtre, où il était renfermé pour le reste de ses jours. C’est un fait public. J’ai encore ses lettres par lesquelles il avoue qu’il me doit l’honneur et la vie. Il fut depuis mon traducteur. J’avais écrit en anglais un Essai sur l´Épopèe' ; il le mit en français. Sa traduction a été imprimée à Paris. Il est vrai qu’il y avait autant de contre-sens que de lignes.

Il y disait que les Portugais avaient découvert l’Amérique. Il

  1. C’était Céran, qui faisait aussi les fonctions de secrétaire ou copiste.