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persuadé que vous châtierez l´insolence d’un domestique qui compromet son maître par un mensonge, dont son maître peut si aisément le convaincre. Je suis, etc.


634[1]. — À M. PITOT[2].
À Cirey, par Vassy en Champagne, ce 31 août.

Je n’avais pu lire à Paris, monsieur, le Mémoire de M, de Mairan, touchant les forces motrices, et plusieurs occupations étrangères aux mathématiques ont retardé encore dans ma retraite le plaisir de lire son ouvrage. Je l’ai enfin lu, et il me paraît comme à vous un chef-d’œuvre de raison, avec cette différence que vous l’avez lu en juge, et moi en écolier qui m’instruis.

M. de. Mairan, qui est des esprits les plus justes, des plus fins et des plus exacts, a très-bien démontré, en plus d’une façon, que la quantité de mouvement n’est jamais, au fond, que le produit de la vitesse par la masse.

Il semble que la découverte de la progression de la chute des corps par Galilée ait été le fondement de l’erreur où étaient MM. Leibnitz et Bernouilli. Tout se réduit donc à faire voir que, dans cette progression même, la force est en effet toujours la même, puisque d’instants en instants cette force agit uniformément. L’espace parcouru est, à la vérité, comme le carré du temps ou de la vitesse ; mais chaque partie infiniment petite de cet espace n’est que comme la vitesse et comme le temps. Par là, ce qu’il y avait de plus fort contre l’ancienne mécanique, qui n’admet dans la quantité du mouvement que le produit de la vitesse par la masse, se trouve suffisamment réfuté.

M. de Mairan a pris la chose de tous les côtés, sapiens et victor ubique. Il avait eu la bonté de me prêter, à Paris, son Mémoire, que je ne pus alors étudier. Je chargeai un jeune homme, nommé M. de Lamare, de le lui rendre. Je vous supplie, monsieur, de vouloir bien vous en informer à M. de Mairan, et de l’assurer de ma respectueuse estime.

Permettez-moi de vous parler ici de l’analogie que vous avez trouvée entre les surfaces des corps ; vous dites que leurs quantités sont en raison réciproque des surfaces de leurs côtés homologues. Vous en tirez surtout une observation très-utile que,

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. De l’Académie des sciences.