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diffamatoire, ce que je lui avais offert pour le supprimer ! Puisque M. Hérault a la lettre, je vous supplie, monseigneur, de lui mander d’étouffer absolument toute cette affaire en vous remettant cette lettre, qu’on croit si dangereuse. Vous en ferez l’usage qu’il vous plaira : vous la brûlerez ou vous me la rendrez. Quelque chose que vous fassiez, je vous aurai une obligation qui ne finira qu’avec ma vie.


615. — À M. LE GARDES SCEAUX[1].

Avant la publication du factum, j’aurais donné beaucoup pour prévenir le scandale. J’aurais acheté le silence d’un scélérat. Mais ce silence n’est plus à vendre. La cabale de Jore a inondé le public de son libelle. Jore a bravé la médiation de M. Hérault et l’autorité du ministère. Recevra-t-il à présent le prix de son crime, de son insolence, et du libelle qu’il a vendu publiquement ? Une évocation à M. Hérault, comme commissaire du conseil, ne serait-elle pas juste ? J’ose l’attendre de votre protection. Le public croirait que j’étais en effet débiteur de Jore si je m’accommodais avec lui ; il aurait le fruit de son crime, et moi la honte. Je m’en remets entièrement à vos bontés. Tout le monde me dit que je suis déshonoré si je m’accommode à présent ; si la voix publique le dit, elle a raison, car la chose dépend d’elle[2].


616. — À M. LE GARDE DES SCEAUX[3].
1er juillet 1736.

M. Hérault, ayant retiré la lettre en question des mains de Jore, et lui ayant fait signer un désistement, veut que je donne cinq cents livres aux pauvres. Je passe dans Paris pour être condamné à l’aumône, ainsi je suis déshonoré. Sans gagner mon procès, je vous demande en grâce, monseigneur, que, si on m’a rendu justice, je ne l’achète point, et que, si on m’a fait une faveur, on me la fasse entière. On a déjà fait des chansons et des calottes sur cette prétendue aumône. J’aimerais mille fois mieux plaider que de la payer.

  1. Edition, Léouzon Leduc.
  2. Jore fut débouté de sa demande, et Voltaire condamné en cinq cents livre d’aumônes.
  3. Revue rétrospective, 1834. Les Détentions de Voltaire.