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ANNÉE 1722.

mien ; je peux même vous assurer que, si je pensais qu’ils eussent dessein de s’adresser à d’autres, mon peu de crédit auprès de certaines personnes serait assez fort pour faire échouer leur entreprise. Ces messieurs se moquent du monde de s’imaginer que le succès de l’affaire dépende de me voir arriver à Paris le 15 plutôt que le 20 ; quelques jours de plus ou de moins ne gâteront rien à nos arrangements.

Je pars jeudi, demain au soir, avec M. et Mme  la maréchale de Villars. Quand je serai arrivé, il faudra que j’aille sur-le-champ à Versailles, dont je ne partirai qu’après avoir consommé l’affaire, ou l’avoir entièrement manquée. Vous me mandez que, si je ne suis pas à Paris aujourd’hui jeudi, la chose est manquée pour moi. Dites à vos messieurs qu’elle ne sera manquée que pour eux, que c’est à moi qu’on a promis le privilège, et que, quand je l’aurai une fois, je choisirai la compagnie qui me plaira. J’aurai l’honneur de vous voir vendredi et de recevoir vos ordres. Soyez toujours persuadée de mon attachement pour vous et pour M. de Bernières.



51. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.

Villars, … 1722.

Je resterai encore sept ou huit jours à Villars, où je bois du cidre et mange du riz tous les soirs, dont je me trouve fort bien. Messieurs des gabelles peuvent bien retarder leur affaire de huit jours. La personne que vous savez a parole réitérée de M. le Régent pour la plus grande affaire. Vous devriez bien remettre le souper à mon retour. Je suis fâché de la justice qu’on a rendue à la petite Livry[1]. Si on faisait dans tous les corps ce qu’on vient de faire à la Comédie, il me paraît qu’il resterait peu de monde en place. Je fais à peu près la même réforme dans mon poème ; je suis occupé à en chasser tous les mauvais vers. C’est une opération un peu longue ; mais j’espère que je la terminerai à la Rivière-Bourdet. Je vous fais mes compliments de la vie dissipée que vous menez. Je voudrais bien en pouvoir faire autant ; mais dans le malheur où je suis d’avoir une santé et une tête de linotte, je ne pouvais avoir de plus grande consolation que la bonté que vous avez eue d’égayer mon régime par la compagnie que vous m’avez tenue à Paris. Vous pouvez compter que je n’oublierai de

  1. Cette ancienne maîtresse de Voltaire avait dû se retirer de la Comédie-Française, le 27 mai 1722. Voyez, tome X, page 269, l’épître des Vous et des Tu.