sois instruit de bonne heure de la vérité. Je vous jure, par cette même vérité que vous me connaissez, que je n’ai jamais prêté le manuscrit à personne, puisque je ne l’ai pas prêté à vous-même. Si quelqu’un m’a trahi, ce ne peut être qu’un nommé Dubreuil, beau-frère de Demoulin, qui a copié l’ouvrage il y a six mois. M, Rouillé prétend qu’il en court des copies. Voyez, informez-vous ; que votre amitié se trémousse un peu. Il est d’une conséquence extrême que je sois averti. Il faudra enfin que j’aille mourir dans les pays étrangers ; mais, en récompense, les Hardion, les Danchet, etc., prospèrent en France,
J’avais commencé une tragédie où je peignais un tableau assez singulier du contraste de nos mœurs avec les mœurs du nouveau monde. On a dit, il y a quelques mois, mon sujet au sieur Lefranc ; qu’a-t-il fait ? Il a versifié dessus, il a lu sa pièce à nos-seigneurs les comédiens, qui l’ont envoyée à la révision. Le petit bonhomme est un tantinetto plagiaire ; il avait pillé sa pauvre Didon tout entière d’un opéra italien de Metastasio. Mais il prospérera avec les Danchet et les La Serre, et moi, j’irai languir à la Haye ou à Londres. Adieu ; réponse, et prompte.
Vous êtes le plus aimable ami, le plus exact et le plus tendre qu’il y ait au monde. Vous écrivez aussi régulièrement qu’un homme d’affaires, et vous avez les sentiments d’une maîtresse. Par quel remerciement commencerai-je ? J’accepte d’abord le valet de chambre écrivain, pourvu qu’il ne soit ni dévot ni ivrogne, deux qualités également abominables. Il copiera toutes mes guenilles, que je corrige tous les jours, et que je vous destine. J’ai envoyé à MM. de Pont-de-Veyle et d’Argental la tragédie en question[1], avec cette clause qu’elle serait communiquée à vous, mon cher ami, et à vous seul. Ainsi, lorsque vous voudrez, passez chez ce M, d’Argental, chez cette aimable et bienfaisante créature, qui ne cesse de me combler de ses bons offices. Á présent que cette pièce envoyée me donne un peu de loisir, revenons à Orphée-Rameau. Je lui avais craché de petits vers[2] pour un petit duo. On pourrait, en allongeant la litanie, faire de cela un mor-