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CORRESPONDANCE.

leur enseigner, par son exemple, la pratique des vertus les plus sévères et les plus aimables. M. Newton a été aussi vertueux qu’il a été grand philosophe : tels sont, pour la plupart, ceux qui sont bien pénétrés de l’amour des sciences, qui n’en font point un indigne métier, et qui ne les font point servir aux misérables fureurs de l’esprit de parti. Tel a été le docteur Clarke ; tel était le fameux archevêque Tillotson ; tel était le grand Galilée ; tel notre Descartes ; tel a été Bayle, cet esprit si étendu, si sage et si pénétrant, dont les livres, tout diffus qu’ils peuvent être, seront à jamais la bibliothèque des nations. Ses mœurs n’étaient pas moins respectables que son génie. Le désintéressement et l’amour de la paix comme de la vérité étaient son caractère : c’était une âme divine. M. Basnage, son exécuteur testamentaire, m’a parlé de ses vertus les larmes aux yeux. Cependant, je ne sais par quelle fatalité un des hommes les plus respectables de votre Société, un homme plus célèbre encore par sa vertu que par son éloquence, a pu être trompé au point de dire, dans un de ses discours publics, en parlant de Bayle : « Probitatem non do, je lui refuse la probité. »


531. — DE L’ABBÉ DESFONTAINES[1].
À monsieur de Voltaire, à Cirey, près de Vassy en Champagne.
Novembre 1735.

Je sortais, monsieur, d’une bonne et grande maison où un grand nombre d’honnêtes gens, qui font cas de votre talent de versificateur, ne rendaient pas la même justice à votre probité et à votre cœur, ce qui m’avait obligé de soutenir thèse jusqu’à m’enrouer, lorsqu’en rentrant chez moi j’ai trouvé le Mercure de novembre 1735, où j’ai lu votre belle scène de Shakespeare et ensuite ces paroles judicieuses : « Il est étonnant que les auteurs des Observations aient voulu juger la Henriade. Leurs critiques sont faites avec bien peu de goût ; » et enfin l’apologie du tutoiement de vos personnages et de la Mort de César.

Comment, monsieur, vous imprimez des choses aussi peu honnêtes, après ce que j’ai fait en dernier lieu pour vous dire que cet air de mépris, cet air décisif, ne vous convient nullement ? Vous m’avez écrit en particulier beaucoup de sottises. Je vous les pardonne ; mais il n’en sera pas de même lorsque vous me les direz en public. Il est étonnant, etc. Eh ! pourquoi, monsieur, faites-vous des ouvrages ? Est-ce pour avoir le suffrage des

  1. Revue rétrospective, 1834. Détentions de Voltaire.