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Ce que peu de gens savent faire.
Ah ! je vous verrais accourir
À son aimable sanctuaire,
La voir, l’admirer, la chérir :
Vous m’avoueriez que sa lumière
Sait éclairer sans éblouir :
Oui, vous vous laisseriez ravir
Par cette âme si singulière,
Qui, sans effort, sait réunir
Les arts, la raison, le plaisir,
Les travaux et le doux loisir.
Tout le Parnasse, et tout Cythère.
Je vous connais, et, de ce pas,
Vous franchiriez votre hémisphère
Pour voir, pour aimer tant d’appas ;
Mais je sais qu’on ne quitte pas
Pollion La Popelinière.

Du moins, si vous ne pouvez venir, écrivez donc bien souvent, et n’allez pas imaginer qu’il faille attendre ma réponse pour me récrire. Vous êtes à la source de tout ce qu’on peut mander ; et moi, quand je vous aurai dit que je suis heureux loin du monde, occupé sans tumulte, philosophe pour moi tout seul, tendre pour vous et pour une ou deux personnes, j’aurai tout dit. C’est à vous à m’inonder de nouvelles ; vos lettres seront pour moi historia nostri temporis.

Je suis bien aise d’avoir deviné que la musique de Rameau ne pouvait jamais tomber. L’abbé Desfontaines en a fait une critique[1] qui ne peut être que d’un ignorant, qui manque d’un sens comme de bon sens. S’il n’a pas d’oreille, du moins devrait-t-il se taire sur les choses qui ne sont pas de sa compétence. Il parle de musique comme de poésie.

Si je croyais qu’on pût représenter le Samson, je le travaillerais encore ; mais il faut s’attendre que le poëme sera aussi extraordinaire dans son genre que la musique de notre ami l’est dans le sien.

En attendant, je vous dirai un petit mot de la tragédie de Jules César. Demoulin doit vous envoyer la dernière scène. Vous jugerez par là combien le reste de l’ouvrage est différent de l’imprimé. Je crois qu’il est nécessaire de faire une édition correcte de l’ouvrage. Voici quel est mon projet.

Faites faire cette édition ; que le libraire donne un peu d’ar-

  1. Page 238 du tome II de ses Observations. Il s’agit des Indes galantes.