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CORRESPONDANCE.

Puisse s’envoler à jamais !
Qu’il cesse de forger des traits
Pour tant de beautés criminelles !
Et qu’il vienne au fond du Marais,
De l’innocence et de la paix
Goûter les douceurs éternelles !
Je hais bien tout mauvais rimeur
De qui le bel esprit baptise
Du nom d’ennui la paix du cœur,
Et la constance, de sottise.
Heureux qui voit couler ses jours
Dans la mollesse et l’incurie,
Sans intrigues, sans faux détours,
Près de l’objet de ses amours,
Et loin de la coquetterie ?
Que chaque jour rapidement
Pour de pareils amants s’écoule !
Ils ont tous les plaisirs en foule,
Hors ceux du raccommodement.
Quelques amis dans ce commerce
De leur cœur, que rien ne traverse.
Partagent la chère moitié ;
Et dans une paisible ivresse
Ce couple avec délicatesse
Aux charmes purs de l’amitié
Joint les transports de la tendresse.

Voilà, monsieur, des médiocrités nouvelles pour l’antique gentillesse dont vous m’avez fait part. Savez-vous bien où est ce réduit dont je vous parle ? M. l’abbé Gourtin dit que c’est chez Mme de Charost[1]. En quelque endroit que ce soit, n’importe, pourvu que j’aie l’honneur de vous y voir.

Rendez-nous donc votre présence,
Galant prieur de Trigolet,
Très-aimable et très-frivolet ;
Venez voir votre humble valet
Dans le palais de la Constance.
Les Grâces, avec complaisance,
Vous suivront en petit collet ;
Et moi, leur serviteur follet,

  1. Sans doute Julie-Christine d’Antraigues, mariée, en 1709, à Paul-François, duc de Béthune-Charost. Citée sous le titre de duchesse de Béthune, dans la lettre du 20 juillet 1724, à Thieriot. (Cl.)