Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.
35
ANNÉE 1716.

Jusques au fond de vos fourneaux
Faites couler l’eau d’Hippocrème,
Et je vous placerai sans peine
Entre Homberg[1] et Despréaux.

Jetez donc, monsieur, un œil critique sur mon ouvrage ; et, si vous avez quelque bonté pour moi, renvoyez-le-moi avec les notes dont vous voudrez bien l’accompagner. Vous voyez bien de quelle conséquence il est pour moi que cet ouvrage soit ignoré dans le public avant d’être présenté au Régent ; et j’attends que vous me garderez le secret. Surtout ne dites point à M. le duc de Sully[2] que je vous aie écrit ; enfin, que tout ceci soit, je vous supplie, entre vous et moi.

Je suis, etc.


26. — À MADAME LA MARQUISE DE MIMEURE.
À Sully, 1716.

Je vous écris de ces rivages
Qu’habitèrent plus de deux ans
Les plus aimables personnages
Que la France ait vus de longtemps,
Les Chapelles, les Manicamps,
Ces voluptueux et ces sages
Qui, rimants, chassants, disputants,
Sur les bords heureux de la Loire,
Passaient l’automne et le printemps
Moins à philosopher qu’à boire.

Il serait délicieux pour moi de rester à Sully, s’il m’était permis d’en sortir. M. le duc de Sully est le plus aimable des hommes, et celui à qui j’ai le plus d’obligation. Son château est dans la plus belle situation du monde ; il y a un bois magnifique dont tous les arbres sont découpés par des polissons ou des amants qui se sont amusés à écrire leurs noms sur l’écorce.

À voir tant de chiffres tracés.
Et tant de noms entrelacés.
Il n’est pas malaisé de croire
Qu’autrefois le beau Céladon
A quitté les bords du Lignon
Pour aller à Sully-sur-Loire.

  1. Voyez la note 2, tome XIX, page 478.
  2. Maximilien-Henri de Béthune, duc de Sully ; duc et pair en 1713 ; mort en 1729. Son château de Sully-sur-Loire est à cinq lieues de Gien. (Cl.)