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479. — Á M. DE CIDEVILLE.
À Paris, ce 6 mai.

Non, mon cher ami, je n’ai jamais reçu cette Reine des songes[1]. Cet abbé a sans doute connu le mérite de ce qu’il avait entre les mains, et l’a gardé pour lui ; je le ferai assigner à la cour du Parnasse : cela est infâme à lui.

Pour notre Linant, il faut bien des brigues pour le placer. J’espère que nous en viendrons à notre honneur, malgré les prêtres, qui ont empaumé le mari. C’est bien raison que la divine Èmilie l’emporte sur ces faquins, qui

Scire volunt sécreta domus, atque inde timeri.

(Juven., sat. iii, liv. I, v. 113.)

Point de prêtres chez les Émilies, mon cher ami ! Ah ! si nous pouvions vivre ensemble ! Ah ! destinée, destinée ! Les Émilies de Rouen retiennent mon cher Cideville. On a joué les Grâces[2], mais personne ne les a reconnues, parce que l’auteur ne les connaît guère. Adieu, vous qui êtes leur favori. Je pars ; je vous aime pour jamais.


480. — Á M. DE FORMONT.
Le 6 mai.

Je pars, mon cher ami ; je n’ai pas vu le ballet des Grâces. On dit que l’auteur, j’entends le poète, qui a toujours été brouillé avec elles, ne s’est pas bien remis dans leur cour. Je m’en rapporte aux connaisseurs ; mais il y en a peu par le temps qui court. Les suivants de ces trois déesses sont à présent à Rouen. C’est donc à Rouen qu’il faudrait voyager ; mais je vais en Lorraine demain. Adieu, mon cher philosophe, poète aimable, plein de grâce et de raison. Vous avez donc fait un poète français de l’abbé Franchini[3] ! En vérité, il est plus aisé à présent de tirer des vers français d’un Italien que de nos compatriotes. Tout tombe, tout s’en va dans Paris, Je m’en vais aussi, car ni vous ni les muses n’êtes là. Adieu, mon cher ami.

  1. Voyez les lettres 220 et 487.
  2. Ballet de Roi, musique de Mouret, 1735.
  3. Voyez une note sur la lettre 331.