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résolu à ne faire venir que les livres dont vous m’aurez dit du bien.

Je n’ai aucune nouvelle de l’affaire que vous m’avez recommandée, et j’en suis plus inquiet que vous. Je pardonnerai à la fortune tous les maux qu’elle a pu me faire, si elle me donne une occasion de vous servir ; mais je ne pardonne pas à ma mauvaise santé, qui me fait finir ma lettre si vite, et qui m’empêche de vous dire combien j’aime votre commerce et avec quelle passion je désire que vous continuiez à m’écrire.

Adieu ! je vous embrasse de tout mon cœur.


449. — Á M. BERGER.
Á Cirey, le …

J’ai eu réponse, monsieur, touchant l’affaire dont vous avez bien voulu me charger. On me mande qu’on fera tout au monde pour l’amener à une heureuse fin ; mais qu’il faudrait que je fusse à Paris pour discuter. Une des choses qui me fait le plus regretter Paris est de savoir que je pourrais vous y être utile. Soyez sûr que je n’omettrai rien pour mériter la confiance que vous avez bien voulu avoir en moi.

J’apprends, avec beaucoup de plaisir, que M. de Crébillon est sorti du vilain séjour où on l’avait fourré[1]. Il a donc vu

Cet horrible château, palais de la vengeance,
Qui renferme souvent le crime et l’innocence.

(Henriade, ch. IV, v. 433.)

Le roi le nourrissait et lui donnait le logement. Je voudrais qu’il se contentât de lui donner la pension. J’admire la facilité avec laquelle on dépense douze à quinze cents livres par an pour tenir un homme en prison, et combien il est difficile d’obtenir une pension de cent écus. Si vous voyez le grand enfant de Crébillon, je vous prie, monsieur, de lui faire mille compliments pour moi, et de l’engager à m’écrire.

S’il faut se réjouir avec l’auteur de l’Histoire japonaise, il faut s’affliger avec l’auteur de Tithon et l’Aurore[2]. Si je savais où le

  1. Claude-Prosper Jolyot de Crébillon fils, né en 1707, mort en 1777, fut emprisonné, en 1734, pour son ouvrage intitulé Tanzai et Néardané, ou l’Écumoire, histoire japonaise, contenant des obscénités, et des traits contre le cardinal de Rohan, la duchesse du Maine, et la bulle Unigenitus. (B.)
  2. Moncrif venait de perdre sa place de secrétaire des commandements du prince de Clermont.