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sût rien. Le pis qui pourrait arriver serait d’être reconnu, après la première représentation ; mais nous aurions toujours prévenu les cabales. Les examinateurs, ne sachant pas que l’ouvrage est de moi, le jugeraient avec moins de rigueur, et passeraient une infinité de choses que mon nom seul leur rendrait suspectes. Est-il vrai que M. Pallu a passé de l’intendance de Moulins à celle de Besançon ? Peut-être est-ce une fausse nouvelle[1] ; mais un pauvre reclus comme moi peut-il en avoir d’autres ? Est-il vrai qu’on parle de paix ? Mandez-moi, je vous prie, ce qu’on en dit. Il n’y a point de particulier qui ne doive s’y intéresser, en qualité d’âne à qui on fait porter double charge pendant la guerre.

Adieu ; je vous aime comme vous méritez d’être aimé.


437. — Á MADAME DE CHAMPBONIN.
Cirey.

Mme  du Châtelet est ici, de retour de Paris d’hier au soir. Elle est venue dans ce moment que je recevais une lettre d’elle, par laquelle elle me mandait qu’elle ne viendrait pas si tôt. Elle est entourée de deux cents ballots, qui ont débarqué ici le même jour qu’elle. On a des lits sans rideaux, des chambres sans fenêtres, des cabinets de la Chine, et point de fauteuils, des phaétons charmants, et point de chevaux qui puissent les mener.

Mme  du Chàtelet, au milieu de ce désordre, rit et est charmante. Elle est arrivée dans une espèce de tombereau à deux, secouée et meurtrie, sans avoir dormi, mais se portant fort bien. Elle me charge de vous faire mille compliments de sa part. Nous fesons rapiéceter de vieilles tapisseries. Nous cherchons des rideaux, nous faisons faire des portes, le tout pour vous recevoir. Je vous jure, raillerie à part, que vous y serez très-commodément. Adieu, madame ; je vous suis tendrement et respectueusement attaché pour la vie.


438. — Á MADAME LA COMTESSE DE LA NEUVILLE.

Eh bien ! madame, il me semble qu’il y a un siècle que je ne vous ai vue. Mme  du Chàtelet comptait bien aller vous voir dès qu’elle serait débarquée à Cirey ; mais elle est devenue architecte et jardinière. Elle fait mettre des fenêtres où j’avais mis des

  1. Elle l’était.