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même aviez-vous de ma justification ? Votre cœur ne devait-il pas deviner le mien ? Et n’est-ce pas au maître à répondre du disciple ? Je me flatte que vous me reverrez bientôt à l’ombre de vos ailes, que vous me rendrez plus de justice, et que vous apprendrez à votre amie à ne point obscurcir par des orages un ciel aussi serein que le nôtre. Mille tendres respects à tous les anges.

Ce 6 novembre.

J’arrive à Bruxelles, où je jouis du bonheur de voir votre amie en bien meilleure santé que moi ; je me croirai parfaitement heureux quand, l’un et l’autre, nous aurons la consolation de vous embrasser.

Je sens ma joie toute troublée par la maladie de Mme  d’Argental. J’ai reçu ici une ancienne lettre de M. le commandeur de Solar[1]. Je vais lui répondre. Je me flatte que l’un de mes deux anges l’assurera bien qu’il n’est pas fait pour être oublié. Tous ces ministres de Sardaigne sont aimables ; j’en ai vu dont je suis presque aussi content que de M. de Solar. Adieu, couple charmant ; adieu, divinités de la société et de mon cœur.


435. — Á M. DE CIDEVILLE.
Auprès de Bruxelles, ce 5 novembre.

Je suis trop malade, mon très-cher ami, pour répondre une seule rime à vos vers charmants ; mais j’ai du moins assez de force pour vous supplier, au nom de la tendre amitié que vous avez pour moi, de ne point prendre d’autre maison que la mienne, et de vouloir bien loger dans mon appartement. Demoulin et sa femme vous marqueront par leurs soins avec quel zèle je voudrais vous y recevoir moi-même. Je ne pourrai vraisemblablement être à Paris qu’à Noël. Mais vous, mon cher ami, pour combien de temps y êtes-vous ? Puis-je me flatter de vous y retrouver encore ? Vous me parlez, en très-jolis vers, de mes prétendus voyages, et vous ne me dites rien de vous ! Pourquoi donc faites-vous plus de cas de mon esprit que de mon cœur ?

Ami, ne me conseillez pas
De parcourir ces beaux climats
Que jadis honora Virgile.
Mantoue est aujourd’hui l’asile

  1. Nommé dans la lettre du 2 septembre 1742 à Mme  de Solar, sa femme.