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il doit m’écrire ou me faire instruire des démarches qu’il a faites : et, s’il ne le fait pas, je suis dans la ferme résolution de le dénoncer au garde des sceaux, et je le perdrai assurément. Il est trop horrible d’être sa victime et sa dupe, et d’avoir soutenu et attesté son innocence, lorsqu’il en use avec tant d’indignité. C’est une des choses qui ont ajouté un poids plus insupportable à mon malheur. Je vous demande en grâce d’en conférer avec votre ami, et de me mander tous deux votre sentiment. J’attends vos réponses avec une extrême impatience, et je vous embrasse tendrement.


415. — Á MADAME DE CHAMPBONIN[1].

Je ne me porte pas trop bien, madame ; mais j’irai vous faire ma cour demain, dans quelque état que je sois. Si je me porte bien, je serai extrêmement gai ; si je suis malade, votre conversation me guérira bien vite.

Que m’importe le vain murmure
De cette canaille à tonsure
Qui n’entend rien de mes écrits ?
Tous les maudissons qu’ils me donnent,
Et les oremus qu’ils entonnent,
Sont tous pour moi du même prix.
Je consens qu’on m’excommunie,
Pourvu qu’un jour au Champbonin
Avec toi je passe ma vie.
Je consens que dans ton jardin
On m’enterre comme un impie,
Honnête homme et mauvais chrétien,
Philosophe non sans folie,
Avec un cœur digne du tien.
Si tu m’aimes, il faudra bien
Et qu’on m’estime, et qu’on m’envie.

Allez vous promener, madame, avec votre très-humble servante ; comptez que je vous suis respectueusement attaché pour la vie.


416. — Á M. DE CIDEVILLE.
Ce 22 juin.

Je reçois, mon cher et judicieux et très-constant ami, trois lettres de vous à la fois, qui auraient dû me parvenir il y a près

  1. M. de Champbonin était lieutenant au régiment de Bauffremont. Sa terre de Champbonin est près de Vassy en Champagne. Mme  de Champbonin était parente de Voltaire. (B.)