moi les moindres particularités qui vous regardent ; mandez-moi vos sentiments surtout, et soyez persuadée que je vous aimerai toujours, ou je serai le plus malheureux de tous les hommes. Vous savez bien, ma chère Olympe, que mon amour n’est point du genre de celui de la plupart des jeunes gens, qui ne cherchent en aimant qu’à contenter la débauche et leur vanité : regardez-moi comme un amant, mais regardez-moi comme un ami véritable ; ce mot renferme tout. L’éloignement des lieux ne changera rien à mon cœur : si vous me croyez, je vous demande, pour prix de ma tendresse, une lettre de huit pages écrites menu ; j’oubliais à vous dire que les deux que vous n’avez point reçues sont à l’adresse de Mme Santoc de Maisan, à la Haye. Récrivez-moi sur-le-champ, afin que, si vous avez quelques ordres à me donner, votre lettre me trouve encore à Paris prêt à les exécuter : je me réserve, comme vous, à vous mander certaines choses lorsque j’aurai reçu votre réponse. Adieu, ma belle maîtresse ; aimez un peu un malheureux amant qui voudrait donner sa vie pour vous rendre heureuse ; adieu, mon cœur.
J’ai reçu, ma chère Olympe, votre lettre du 1er de ce mois, par laquelle j’ai appris votre maladie. Il ne me manquait plus qu’une telle nouvelle pour achever mon malheur ; et comme un mal ne vient jamais seul, les embarras où je me suis trouvé m’ont privé du plaisir de vous écrire, la semaine passée. Vous me demanderez quel est cet embarras : c’était de faire ce que vous m’avez conseillé. Je me suis mis en pension chez un procureur[1], afin d’apprendre le métier de robin auquel mon père me destine, et je crois par là regagner son amitié. Si vous m’aimiez autant que je vous aime, vous vous rendriez un peu à mes prières, puisque j’obéis si bien à vos ordres. Me voilà fixé à Paris pour longtemps : est-il possible que j’y serai sans vous ? Ne croyez pas que l’envie de vous voir ici n’ait pour but que mon plaisir ; je regarde votre intérêt plus que ma satisfaction, et je crois que
- ↑ Maître Alain, cité plus bas. C’est chez ce procureur que Voltaire se lia d’amitié avec Thieriot, et avec un M. Bainast, à qui la lettre du 9 juillet 1733 est adressée. (Cl.)