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de ma façon, par ordre de monsieur le garde des sceaux, pour mettre à la tête de l’édition in-4o de Molière[1].

Il pleut ici des mauvais livres ; mais on dit beaucoup de bien de la comédie de la Surprise de la haine[2].

Pour notre Linant, il a déjà fait une scène depuis deux ans, et cette scène ne vaut pas le diable. J’ai bien peur qu’il ne prenne du goût pour du talent. Je suis d’ailleurs plus mécontent de lui que de sa scène. Je ne sais ce qu’il a imaginé en venant loger chez moi ; il est assurément comme mon fils, et il me coûte beaucoup. Cependant il s’est plaint à trois ou quatre personnes qu’il n’avait pas assez pour ses menus plaisirs. Messieurs, vous l’avez gâté ; il se croit au-dessus de son état, avant de s’en être tiré ; il croit que c’est pour honorer son mérite que je l’ai recueilli chez moi, où il m’est absolument inutile. Il ne se doute pas que ce n’est qu’à la considération de vous et de M. de Cideville. Il dort, mange, et va poudré blanc à l’orchestre de la Comédie : voilà sa vie. Sa paresse et sa hauteur très-déplacée le rendront bien malheureux ; mieux aurait valu pour lui sans doute être clerc de procureur, mais il est incapable d’affaires. S’il joint à tout cela l’ingratitude dont il me paye, il faut au moins que vous lui laviez la tête. M. de Cideville lui écrit comme s’il écrivait à son ami intime, établi dans le monde et considéré. Il le perd avec ces séductions-là. Pour moi, je ne lui parle de rien : mes conseils pourraient avoir l’air de reproches ; c’est à vous et à M. de Cideville à lui parler.

Adieu, je vous demande pardon.


393. — Á M. DE CIDEVILLE.
À Paris, ce 27 février.

Mon tendre et aimable ami, j’ai été bien consolé dans ma maladie, en voyant quelquefois votre ami, M. du Bourg-Theroulde ; il est mon rival auprès de vous, et rival préféré ; mais je n’étais point jaloux. Nous parlions de mon cher Cideville avec un plaisir si entier et si pur ! nous nous entretenions de l’espérance de vivre un jour à Paris avec lui ; et, aujourd’hui, voilà mon cher Cideville qui me mande qu’en effet il pourra venir ici bientôt. Cela est-il bien vrai ? Puis-je y compter ? Ah ! c’est alors que j’aurai de la santé, et que je serai heureux,

  1. Voyez, dans les Mélanges, tome XXIII, pace 87.
  2. Par Boissy.