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Rien n’est plus précieux pour moi que l’honneur de votre souvenir, monsieur ; et, si je vous disais combien j’y suis sensible, je vous écrirais des volumes, au lieu d’une petite lettre.

Vos vers pour Mme  du Maine valent encore beaucoup mieux que vos présents ; et, dans le peu que je vous ai vu, vous m’avez paru valoir encore mieux que vos ouvrages. Le prix le plus flatteur que j’aie jamais reçu des miens est d’avoir connu un homme comme vous.


388. — Á MADAME LA DUCHESSE D’AIGUILLON[1].
1734.

On m’a dit, madame, que Minerve, descendue sur la terre sous les traits de Vénus et sous le nom d’Aiguillon, avait daigné honorer de ses regards et de sa protection cette Adélaïde[2] tant contredite : j’ose demander à votre divinité les mêmes faveurs pour Charles XII et pour Henri IV, que je prends la liberté de vous envoyer.

Deux héros différents, l’un superbe et sauvage,
L’autre toujours aimable, et toujours amoureux,
À l’immortalité prétendent tous les deux ;
Mais, pour être immortel, il faut votre suffrage.
Ah ! si sous tous les deux vous eussiez vu le jour,
Plus justement leur gloire eût été célébrée ;
Henri Quatre pour vous aurait quitté d’Estrée,
Et Charles Douze aurait connu l’amour.


389. — Á MADAME LA DUCHESSE D’AIGUILLON[3].

Vous ne voulez être ni Vénus ni Minerve. Vous avez raison, c’est le vieux monde ; et Paris vaut bien l’Olympe, quand vous y êtes revenue bras dessus, bras dessous avec la jeunesse et la beauté. Donc je ne rimerai plus pour vous avec le dictionnaire du Parnasse.

Tout s’en va, même l’amour. Je crois que vous le cachez dans

  1. Anne-Charlotte de Crussol-Florensac, mariée en 1718 à Annand-Louis Duplessis-Vignerod-Richelieu, duc d’Aiguillon, cousin du duc (depuis maréchal) de Richelieu, est citée avec son surnom de sœur-du-pot des philosophes dans la lettre du 27 février 1755 à Thieriot. Devenue veuve en 1750, elle mourut quelques années avant Voltaire. (Cl.)
  2. Adélaïde du Guesclin ; voyez tome III, page 73.
  3. Dernier Volume, etc., 1862.