vous arrive d’agréable. Vous savez combien je vous ai aimé, depuis que je vous ai connu cliez Mme de Fontaine-Martel. Les grâces de votre esprit et la sûreté de votre commerce m’ont attaché pour toujours à vous. Il y a six semaines que ma mauvaise santé me fait garder le lit. Seriez-vous assez aimable pour venir diner ou souper chez un pauvre malade ? Je serai charmé de voir le discours que vous devez prononcer[1]. Personne ne s’intéresse plus que moi à votre gloire. Quelque jour et à quelque moment que vous veniez, vous me ferez oublier tous mes maux.
J’ai lu votre manuscrit sept ou huit fois, mon aimable maître à penser. J’ai été tenté de vous écrire mes objections, et les idées que cette lecture m’a fournies ; mais j’apprendrai plus de choses dans un quart d’heure de votre conversation que je ne vous proposerais de doutes dans cent pages d’écriture. D’ailleurs, les persécutions que j’essuie déjà au sujet de mes Lettres anglaises, un peu trop philosophiques, ne me laissent guère le temps de mettre par écrit mes songes métaphysiques. Plus je raisonne, plus je suis incertain ; mais je sais certainement que je voudrais vivre en liberté, et m’éclairer avec des esprits comme le vôtre. Je ne suis pas trop sûr qu’il n’y ait point de substances, et j’ignore absolument ce que c’est que la matière ; mais je suis certain que je suis un être pensant, qui le deviendrait bien davantage avec vous, qui vous aime de tout son cœur, et qui est pénétré pour vous de la plus tendre estime.
J’ai reçu, j’ai goûté vos poissons[2] et vos vers.
Votre puissance enchanteresse
Gouverne également, par des talents divers,
Et les nymphes de l’Eure et celles du Permesse.