des idées affreuses. Au nom de Dieu, éclaircissez-moi ; mais, hélas ! je crains même que vous ne receviez point ma lettre. Ah ! que je suis malheureux, mon cher cœur, et que mon cœur est livré à une profonde et juste tristesse ! Peut-être m’avez-vous écrit à Anvers ou à Bruxelles ; peut-être m’avez vous écrit à Paris ; mais enfin depuis trois semaines je n’ai point reçu de vos nouvelles. Écrivez-moi tout, le plus tôt que vous pourrez, à M. Dutilly, rue Maubuée, à la Rose rouge. Écrivez-moi une lettre bien longue, qui m’instruise sûrement de votre situation. Nous sommes tous deux bien malheureux, mais nous nous aimons ; une tendresse mutuelle est une consolation bien douce ; jamais amour ne fut égal au mien, parce que personne ne mérita jamais mieux que vous d’être aimée. Si mon sincère attachement peut vous consoler, je suis consolé moi-même. Une foule de réflexions se présentent à mon esprit ; je ne puis les mettre sur le papier : la tristesse, la crainte, et l’amour, m’agitent violemment ; mais j’en reviens toujours à me rendre le secret témoignage que je n’ai rien fait contre l’honnête homme, et cela me sert beaucoup à me faire supporter mes chagrins. Je me suis fait un vrai devoir de vous aimer ; je remplirai ce devoir toute ma vie : vous n’aurez jamais assez de cruauté pour m’abandonner. Ma chère Pimpette, ma belle maîtresse, mon cher cœur, écrivez-moi bientôt, ou plutôt sur-le-champ : dès que j’aurai vu votre lettre, je vous manderai mon sort. Je ne sais pas encore ce que je deviendrai ; je suis dans une incertitude affreuse sur tout ; je sais seulement que je vous aime. Ah ! quand pourrai-je vous embrasser, mon cher cœur !
Depuis que je suis à Paris, j’ai été moi-même à la grande poste tous les jours, afin de retirer vos lettres, que je craignais qui ne tombassent entre les mains de mon père. Enfin je viens d’en recevoir une, ce mardi au soir, 2 janvier : elle est datée de la Haye, du 28 décembre, et j’y fais réponse sur-le-champ. J’ai baisé mille fois cette lettre, quoique vous ne m’y parliez pas de votre amour ; il suffit qu’elle vienne de vous pour qu’elle me soit infiniment chère : je vous prouverai pourtant, par ma réponse, que je ne suis pas si poli que vous le dites ; je ne vous appellerai point madame, comme vous m’appelez monsieur ; je ne puis