Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/411

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Voulez-vous des nouvelles ? Le fort de Kehl vient d’être pris ; la flotte d’Alicante est en Sicile ; et, tandis qu’on coupe les deux ailes de l’aigle impériale, en Italie et en Allemagne, le roi Stanislas est plus empêché que jamais. Une grande moitié de sa petite armée l’a abandonné pour aller recevoir une paye plus forte de l’électeur-roi.

Cependant le roi de Prusse[1] se fait faire la cour par tout le monde, et ne se déclare encore pour personne. Les Hollandais veulent être neutres, et vendre librement leur poivre et leur cannelle. Les Anglais voudraient secourir l’empereur, et ils le feront trop tard.

Voilà la situation présente de l’Europe ; mais à Paris on ne songe point à tout cela. On ne parle que du rossignol que chante Mlle  Petitpas[2], et du procès qu’a Bernard[3] avec Servandoni, pour le payement de ses impertinentes magnificences.

Adieu ; quand vous serez las de toute autre chose, souvenez-vous que Voltaire est à vous toute sa vie, avec le dévouement le plus tendre et le plus inviolable.


376. — Á M. DE CIDEVILLE.
Paris, le 6 novembre.

Aimable ami, aimable critique, aimable poëte, en vous remerciant tendrement de votre Allégorie. Elle est pleine de très-beaux vers, pleine de sens et d’harmonie ; mon cœur, mon esprit, mes oreilles, vous ont la dernière obligation. Je me suis rencontré avec vous dans un vers que peut-être vous n’aurez point encore vu dans ma tragédie :

Toutes les passions sont en moi des fureurs.

Voici l’endroit tel que je l’ai corrigé en entier. C’est Vendôme qui parle à Adélaïde, au second acte :

Pardonne à ma fureur, toi seule en es la cause.
Ce que j’ai fait pour toi sans doute est peu de chose.

  1. Frédéric-Guillaume Ier, père du grand Frédéric.
  2. Dans l’opéra d’Hippolyte et Aricie.
  3. Samuel-Jacques Bernard, comte de Coubert, né en 1686, fils de Samuel Bernard, fut longtemps surintendant de la maison de la reine, et finit par faire banqueroute, vers 1753 : il était beau-frère, par sa sœur, du premier président de la grand’chambre Molé, et allié aux Biron, aux Duroure, et aux Boulainvilliers. (Cl.)