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CORRESPONDANCE.


ne l’avez que trop expérimenté ; dissimulez avec elle, c’est le seul parti qu’il y a à prendre : dites, ce que j’espère que vous ne ferez jamais, dites que vous m’avez oublié ; dites que vous me haïssez, et aimez-m’en davantage ; conservez votre santé et vos bonnes intentions. Plût au ciel que vous fussiez déjà à Paris : ah ! que je me récompenserais bien alors de notre cruelle séparation ! Ma chère Pimpette, vous aurez toujours en moi un véritable amant et un véritable ami ; qu’on est heureux quand on peut unir ces deux titres, qui sont garants l’un de l’autre ! Adieu, mon adorable maîtresse ; écrivez-moi dès que vous aurez reçu ma lettre, et adressez la vôtre à Paris ; surtout ne manquez pas à m’envoyer celle que je vous demande, au commencement de celle-ci : rien n’est plus essentiel. Je crois que vous êtes à présent en état d’écrire, et, comme on se persuade ce qu’on souhaite, je me flatte que votre santé est rétablie. Hélas ! votre maladie m’a privé du plaisir de recevoir de vos nouvelles ; réparons vite le temps perdu. Adieu, mon cher cœur ; aimez-moi autant que je vous aime : si vous m’aimez, ma lettre est bien courte. Adieu, ma chère maîtresse ; je vous estime trop pour ne vous pas aimer toujours.


17. — À MADEMOISELLE DUNOYER.

Paris, ce jeudi matin, 28 décembre.

Je suis parti de la Haye, avec M. de M***, le lundi dernier, à huit heures du matin ; nous nous embarquâmes à Rotterdam, où il me fut absolument impossible de vous écrire. Je chargeai Lefèvre de vous instruire de mon départ. Au lieu de prendre la route d’Anvers, où j’attendais une de vos lettres, nous prîmes celle de Gand. Je mis donc à Gand une lettre pour vous à la poste, à l’adresse de Mme  Santoc de Maisan. J’arrivai à Paris, la veille de Noël. La première chose que j’ai faite, a été de voir le P. Tournemine. Ce jésuite m’avait écrit à la Haye, le jour que j’en partis : il fait agir pour vous monsieur l’évêque d’Évreux[1], votre parent ; je lui ai remis entre les mains vos trois lettres, et on dispose actuellement monsieur votre père à vous revoir bientôt : voilà ce que j’ai fait pour vous ; voici mon sort actuellement. À peine suis-je arrivé à Paris que j’ai appris que M. L***[2] avait écrit à mon père, contre moi, une lettre sanglante ; qu’il lui avait envoyé les lettres que madame votre mère lui avait écrites, et

  1. Il est nommé dans la lettre du 20 janvier.
  2. L’ambassadeur.